[Fic non MLP] [Sombre] [Romance] [Trèèèès long] Cërr.
Publié : 17 août 2013, 13:22
par EtheCorla
Premier post mis à jour. J'y mettrais tout mes écrits.
Comme dit dans mon double post, j'ai supprimé mon premier chapitre et ce qui y est lié, il n'y a pas le souffle épique et l'essence que je voudrais, en attendant la réécriture, je vous présente Palmyra, volume 1 :
Deuxième chapitre :
Autre prologue (Pour une autre histoire tout de même en lien avec la première).
Petit poème de ma composition :
Comme dit dans mon double post, j'ai supprimé mon premier chapitre et ce qui y est lié, il n'y a pas le souffle épique et l'essence que je voudrais, en attendant la réécriture, je vous présente Palmyra, volume 1 :
Palmyra, premier volume.
La congrégation de magie du Nord. Chapitre premier
Mithgil.
An 1181. Seize ans… Cela fait seize ans… Seize ans de dur labeur dans cette vieille ferme du pays de Dain, toute proche de la frontière avec le pays d’Eddun et Asfol, demeure des cieux... Seize années… Il est temps pour moi… De passer les montagnes, d’atteindre Asfol… Car je n’ai plus rien à espérer de la vie au pays de Dain… Il a été détruit, corrompu, par une entité aussi mystérieuse qu’inquiétante. Mon histoire… Commence… Au col de Dolluyn… Dans les montagnes entre Asfol et le pays de Dain…
Je me nomme Keiner. D’aucun disent que ce mot signifie « aucun », en une langue. Je ne la connais pas. Le voyage jusqu’ici, au col de Dolluyn a été éprouvant. Et il me reste encore du chemin à parcourir pour atteindre Kolbb, une ville toute proche des montagnes. La nuit touche à sa fin. Je vais pouvoir continuer mon périple…
Je me levais, la caverne de glace dans laquelle je me suis réfugié pour la nuit devient de plus en plus lumineuse, à mesure que le soleil se lève. Le feu que j’ai allumé la nuit dernière voit ses dernières cendres s’éteindre. Les flammes faiblissantes révèlent le corps de l’ancien propriétaire, un jeune troll, déjà blessé à mon arrivée, ce sans quoi je n’aurais pu le vaincre et m’emparer de sa demeure.
Je rassemble mes dernières affaires, mange et bois un peu avant de m’en aller. Je finis, après quelques dizaines de secondes, par ressortir de ce boyau. Les monts et les pics s’étalent devant moi en un panorama prétentieux. Il n’y a pas encore de brouillard, mais il va descendre de la montagne d’ici peu. Il faut que je me dépêche. Je continue donc mon chemin vers le sud, en direction de Kolbb. C’est trois heures de marche et d’escalade parfois, éreintante. Midi arrivé, je prends une pause, durant laquelle je mange, bois et fais mes besoins, puis je reprends la marche, continue à descendre deux heures durant, avant de voir les derniers monceaux de neige disparaître, les pins font peu à peu place aux feuillus. C’est l’automne, je ne suis donc pas surpris de voir des arbres aux feuilles de multiples couleurs, prêtes à tomber. Je refais à nouveau une pause, ici, la température est plus clémente. Pause faite, je reprends mon chemin, plus qu’une petite heure avant d’arriver à destination ; l’herbe est encore plutôt verte, même si l’automne pointe. On voit encore quelques insectes ça et là, quelques oiseaux par endroits. Je pus même voir un troupeau d’élan alors que je n’étais qu’à à peine un kilomètre des champs les plus proches.
J’arrive enfin en ville, il est presque seize heures à en croire ma montre. Elle est aussi vieille que ma famille, d’après un oncle, elle est d’artisanat Elfe. Je ne sais pas si c’est vrai, mais les rouages sont encore intacts même après vingt générations, à son dos, tous les noms de ses détenteurs y sont gravés en petits caractères, il ne manque que le mien. Je pénètre en ville, l’architecture est plutôt agréable à regarder et la ville est bien organisée, les habitations ont la base faite de pierres et le reste en bois, il y a un quartier commerçant, un autre militaire, un troisième résidentiel et un quatrième religieux. Une très grande place, au centre, pourrait être considérée comme étant un quartier, c’est elle qui réunit la plupart des auberges, des tavernes et des bains. Y arrivant, je décide d’une auberge dans laquelle dormir et entre dans une taverne nommée « La bague de cristal blanc », c’est un grand établissement de bois, aux fenêtres opaques, les prix y sont plutôt bas, mais l’établissement semble être relativement propre. Je prends une chambre pour deux jours, au prix de quatre Ïsdùrs (il s’agit de la monnaie utilisée par les pays avoisinant l’océan intérieur) J’y pose mes affaires et m’en vais pérégriner en ville, ma bourse est encore pleine de la monnaie empruntée dans les ruines de mon village. Je me dirige vers le quartier commerçant, auquel la taverne dans laquelle j’ai emménagé est accolée. J’y achète quelques aliments, choisissant de ne prendre une bonne quantité de vivres que le surlendemain, avant de repartir, cette fois-ci en direction d’Harmino. Je revends diverses choses encore en état trouvées dans la ferme que j’ai fuie, et qui soient portables jusqu’ici sans problèmes particuliers. Le marchand qui me les achète semble être soucieux et indécis, c’est un grand homme avec presque pas de cheveux, il porte un tablier de cuir brun, des bottes brunes qui semblent vieilles et des gants en écaille de poisson. Il me demande, après m’avoir examiné discrètement, d’où je viens.
- Du pays de Dain, j’en suis parti il y a quatre jours.
- Alors tiens. Dit-il avec un sourire, me rendant un bon tiers de mon argent.
- Tu en auras plus besoin que moi… Si jamais tu as besoin de moi, je m’appelle Gillhun et je n’habite pas loin du palais du thane.
- Merci beaucoup, Gillhun.
- Et tu peux m’appeler Gill’ si tu veux. Disait-il tandis que je m’éloignais.
Il était déjà presque dix-neuf heures. Je rentrais donc à la taverne que j'avais choisie, y prenait un repas frugal et allais me coucher.
Cette nuit-là, comme toutes les autres nuits, je rêvais, mais ce n’était pas un rêve à proprement parler, On pourrait l’appeler vision, présage… cauchemar… et bien d’autres noms.
J’étais à nouveau dans les montagnes, faisant face au même panorama prétentieux que le jour dernier, mais je n’étais pas le même. J’avais l’air d’être plus âgé, plus fort et j’avais un air déterminé, au loin, on voyait une espèce d’aigle colossal fait de feu, quelque chose me susurrait le nom « Lurion ». D’ailleurs, si quelque chose ne me disait pas que c’était moi, je ne me serais pas reconnu. Peu à peu, une silhouette apparue à mes côtés, troublant l’air ; un arc-en-ciel miniature se formait, le moi plus âgé le regarda avec intérêt comme on regarde un enfant qui vient de naître, un visage de femme apparu peu à peu, il semblait marqué par les affres d’une guerre. Le buste laissait vaguement voir un mur gris et un vitrail bleu, représentant des scènes antédiluviennes. Le visage parla d’une voix qui n’allait pas du tout avec ce que je voyais, la voix était douce, calme et posée mais non dénuée d’un pointe d’angoisse.
- Ca va mal ici, deux blessés de plus en une heure, et les assaillants sont toujours plus nombreux, l’archimage fait ce qu’il peut, mais les blessures suintent un étrange liquide noirâtre qui refuse de disparaître et nous empêche de les soigner. Le chariot d’argent devrait heureusement bientôt arriver. Le moi plus âgé répondit d’une voix douce, presque amoureuse, mais néanmoins anxieuse que je ne me connaissais pas.
- De mon côté, j’ai atteint la caverne dont je t’avais parlé, celle qui m’a abrité lorsque je traversais les montagnes, il y a deux ans, Lurion est loin à l’horizon, mais je suis plus rapide !
J’avais donc deux ans de plus. Le moi âgé marqua une pause, puis reprit de cette voix que j’étais sûr de ne jamais avoir prononcée.
- Cet Aster va voir de quel bois je me chauffe ! Une fois cela dit, l’arc-en-ciel disparut. Une fois l’arc-en-ciel totalement dissipé, le moi plus mûr sortit un tison d’une poche de sa tunique en cuir, une tunique que je n’avais jamais vu d’ailleurs. Le tison était aussi gros qu’un poing et était brûlé à l’une de ses extrémités. Le moi eut un instant un regard vide, puis il remit le tison dans la poche d’où il l’avait sorti et reprit son chemin.
Mon regard ne bougea pas, et le moi plus expérimenté ne tarda pas à disparaître de mon champ de vision. Puis j’entendis une voix, comme si un couteau raclait la pierre, celle-ci était faible mais tout de même présente.
- Ceci ne se passera… pas forcément… mais c’est probable… alors… reste sur tes gardes… jeune… ou… tu perdras plus… que tu ne le souhaiteras…
Et le rêve prit fin.
Je me réveillais, encore troublé par ce que j’avais vu cette nuit-là. Je remarquai alors un miroir que je n’avais pas vu hier, remarque, il n’était pas très grand et était caché à moitié par le rideau que je n’avais pas pris la peine de placer correctement. Je me regardais. Je donnais l’impression de manquer de sommeil, et j’avais mauvaise mine. Je vais me décrire rapidement. J’ai les iris bleus, les sourcils de quelqu’un qui semble ne jamais avoir été en colère, mes cheveux châtains sont repoussés vers l’arrière. Mon menton est dans la norme, comme mon nez. Je suis plutôt musclé, remercions-en les travaux de la ferme, j’approche du mètre quatre-vingt. Je porte des vêtements neufs, achetés le jour de mon arrivée à Kolbb, remplaçant mes vieux vêtements de fermier, qui, d’ailleurs, tombaient en lambeaux à moitié carbonisés. Je porte également des bottes de marche. Je parle deux langues, la langue commune (langue utilisée dans tout Palmyra et qui est utilisée principalement pour le commerce) et le Norrñdor (langue parlée par les pays au nord de l’océan intérieur.) et sait compter.
Je descends au rez-de-chaussée pour y prendre un petit déjeuner, avant de retourner me promener en ville. Je ne remarque pas le jeune homme assis dans un coin de la salle, qui m’observe discrètement. Je ne le vois pas non plus me suivre lorsque je pars et me dirige vers le quartier religieux.
A la limite entre le quartier religieux et le quartier commerçant, une boutique d’apothicaire indiquait « ouvert ».
J’entre. En poussant la porte, une petite cloche sonne. Je vois alors un vieil homme se diriger vers moi, il a l’air d’avoir tout vu, je lui donnerai bien mille ans, si cela était possible. Il s’adresse à moi d’une voix calme et posée.
- Egren, pour vous servir. Que voulez-vous jeune homme ? »
- J’ai pensé que puisque vous étiez apothicaire vous pourriez me conseiller deux ou trois élixirs contre les maladies les plus communes.
- Tu dois être arrivé en ville récemment non ?
- En effet.
Ainsi, il me confia quelques bouteilles, l’une contre la toux, l’autre le rhume et cetera et cetera. Alors que je sortais ma bourse, il dit :
- Oh non, je n’en ai pas besoin, il te sera plus utile à toi qu’à moi, garde ton argent, un vieil homme comme moi qui n’as plus vraiment besoin d’argent peut vivre sans.
Je rangeais donc ma bourse, le remerciai et repartais.
Mais avant de sortir, le jeune homme qui m’avait épié à l’auberge ce matin sans que je le sache entra.
- Ah tiens, c’est toi Mithgil. Lança Egren, l’apothicaire.
- Je pensais que tu viendrais plus tard, mais ce n’est pas grave tout ou presque est déjà prêt, il va falloir laisser cinq minutes à la dernière infusion pour la mélanger avec le reste, tu peux attendre ?
- Pas de problème Egren. De toute façon j’aimerais bien parler avec celui qui s’apprête à quitter la boutique. Dit-il d’un ton plutôt aimable.
Entendant qu’un s’adressait à moi, je me retournai, je pus voir clairement mon interlocuteur.
Mithgil avait les cheveux noirs, les yeux verts et avait le visage de quelqu’un qui sourit beaucoup. Il semblait musclé, pas bien plus que moi et portait un pourpoint en cuir, un pantalon en toile et des bottes usées. Il était un peu plus grand que moi, il devait faire un mètre quatre-vingt cinq à tout casser.
- Alors comme ça tu viens d’arriver en ville. Voyant mon air étonné il dit :
- Ah oui, tu te demandes comment je le sais ? Je passais dans la rue quand tu as répondu à Gillhun, j’allais voir un ami à ce moment là… Bon tu me réponds ? Dit-il. avec un sourire chaleureux.
- Ah, oui. Oui je viens bien d’arriver, enfin hier.
- On ne peut pas dire que j’habite ici de toute façon. Je suis arrivé il y a deux semaines à peine. Conta-il joyeusement.
- Je me demandais, tu comptes rester ici encore combien de temps ? Sachant que je pars demain, ou au plus tard après-demain, même si je peux évidemment attendre plus de trois jours… Quoique… Il faudrait que j’arrête de parler comme si j’étais tout seul… Dit-il, m’assommant de paroles.
- Je pars demain, sans doute.
- Et où vas-tu donc ? Si tôt arrivé si tôt reparti.
- Dans un premier temps, à Harmino, j’irais ensuite à Taredrë, la congrégation de magie du nord. Même si je ne dispose pas forcément de talents magiques développés, ce sera toujours un bon petit havre de paix, puisqu’une petite ville en est proche, à peine à un kilomètre.
- C’est presque prêt Mithgil. lança Egren.
Il était presque midi. Nous nous promenions tous deux dans la ville, principalement dans le quartier commerçant tous en faisant connaissance. A treize heures passées, nous nous dirigeâmes vers notre taverne et y mangeâmes tranquillement, j’avais appris entre temps que sa destination était la même que la mienne.
Nous passâmes le reste de l’après-midi à nous promener, dans et hors de la ville. Mithgil, avait un passé plutôt étonnant, il venait d’Helldur, une province du nord, était né dans une petite région appelée "le cercle des grands géants". Il avait dix-sept ans et était arrivé en Asfol il y a deux semaines, après qu’un séisme ait créé une grande vague, s’enfonçant sur quelques kilomètres dans les terres et obligé une bonne partie des habitants du pays à fuir. Il avait traversé le chemin entre sa ferme natale et Kolbb en huit jours, ce qui était louable même avec un mulet pour transporter vos affaires, et était arrivé à Kolbb à moitié mort. Il avait passé les deux dernières semaines à se rétablir et à songer où aller. Il y a trois jours, il avait décidé de se rendre à Taredrë, en espérant pouvoir y apprendre beaucoup et y trouver un peu de paix.
Tout comme moi, il parlait la langue commune et le Norrñdor, savait compter et était gaucher. Il avait lui aussi été fermier durant toute sa vie, jusqu’à ce qu’il dût quitter le pays
- J’aurais pu rester en Helldur, mais il ne me restait qu’un père âgé et une demi-sœur enceinte, j’ai préféré les laisser vivre seuls, je ne leur étais plus d’une grande utilité après cette catastrophe.
Le soir arrivé, il alla passer la nuit dans l’auberge dans laquelle il dormait depuis deux semaines déjà. Et j’allais moi-même dormir après un court repas.
Pas de rêve étrange cette nuit-là… Des rêves comme nous en avons tous, vous savez, ceux qui n’ont rien de particulier.
Je me réveillais, me levais, m’habillait et descendais au rez-de-chaussée, j’y retrouvai Mithgil qui devait sans doute m’attendre car il avait l’air perdu dans ses pensées. Nous allâmes faire provisions de nourriture et d’eau au quartier commerçant, empaquetâmes le tout sur le mulet de Mithgil pour tout transporter. Nous allâmes chercher nos affaires dans nos établissements respectifs et nous retrouvions à la porte la plus au sud de la ville. Je fus surpris de voir le mulet si chargé, qu’il avait pris en me disant qu’il avait probablement plus d’affaires que moi à transporter, le mulet en question, qui s’appelait Ondée était presque deux fois plus chargé qu’il l’était avec les simples vivres. Il y avait, voyons, une épée de cavalerie, deux dagues tordues, un arc sans corde, une targe, un bouclier en fer rouillé, un autre en bois, un espadon d'acier brisé en deux morceaux, deux casques en acier dont un enfoncé au niveau des yeux, une paire de gants en cuir et une huitaine de rouleaux de papier jaune dont six déchirés.
- D’où tu tiens tout ça ? Fis-je interloqué.
- D’une maison communale de mon pays d’origine. Dit-il, son visage se fendant d’un grand sourire.
- Et tu ne t’es pas fait arrêter en entrant en ville ?
- Disons que j’ai convaincu le portier de me laisse passer. Il leva une dague vers le ciel tout en parlant, et la regarda, celle-ci brillait au soleil.
Voyant mon air stupéfait et inquiet, il éclata de rire et me rassura :
- Mais non voyons, je ne l’ai pas menacé, simplement… convaincu.
- Hmpf… Je ne croyais qu’à moitié à son innocence.
- Il faudrait peut-être partir...
- Allons-y.
La congrégation de magie du Nord. Chapitre premier
Mithgil.
An 1181. Seize ans… Cela fait seize ans… Seize ans de dur labeur dans cette vieille ferme du pays de Dain, toute proche de la frontière avec le pays d’Eddun et Asfol, demeure des cieux... Seize années… Il est temps pour moi… De passer les montagnes, d’atteindre Asfol… Car je n’ai plus rien à espérer de la vie au pays de Dain… Il a été détruit, corrompu, par une entité aussi mystérieuse qu’inquiétante. Mon histoire… Commence… Au col de Dolluyn… Dans les montagnes entre Asfol et le pays de Dain…
Je me nomme Keiner. D’aucun disent que ce mot signifie « aucun », en une langue. Je ne la connais pas. Le voyage jusqu’ici, au col de Dolluyn a été éprouvant. Et il me reste encore du chemin à parcourir pour atteindre Kolbb, une ville toute proche des montagnes. La nuit touche à sa fin. Je vais pouvoir continuer mon périple…
Je me levais, la caverne de glace dans laquelle je me suis réfugié pour la nuit devient de plus en plus lumineuse, à mesure que le soleil se lève. Le feu que j’ai allumé la nuit dernière voit ses dernières cendres s’éteindre. Les flammes faiblissantes révèlent le corps de l’ancien propriétaire, un jeune troll, déjà blessé à mon arrivée, ce sans quoi je n’aurais pu le vaincre et m’emparer de sa demeure.
Je rassemble mes dernières affaires, mange et bois un peu avant de m’en aller. Je finis, après quelques dizaines de secondes, par ressortir de ce boyau. Les monts et les pics s’étalent devant moi en un panorama prétentieux. Il n’y a pas encore de brouillard, mais il va descendre de la montagne d’ici peu. Il faut que je me dépêche. Je continue donc mon chemin vers le sud, en direction de Kolbb. C’est trois heures de marche et d’escalade parfois, éreintante. Midi arrivé, je prends une pause, durant laquelle je mange, bois et fais mes besoins, puis je reprends la marche, continue à descendre deux heures durant, avant de voir les derniers monceaux de neige disparaître, les pins font peu à peu place aux feuillus. C’est l’automne, je ne suis donc pas surpris de voir des arbres aux feuilles de multiples couleurs, prêtes à tomber. Je refais à nouveau une pause, ici, la température est plus clémente. Pause faite, je reprends mon chemin, plus qu’une petite heure avant d’arriver à destination ; l’herbe est encore plutôt verte, même si l’automne pointe. On voit encore quelques insectes ça et là, quelques oiseaux par endroits. Je pus même voir un troupeau d’élan alors que je n’étais qu’à à peine un kilomètre des champs les plus proches.
J’arrive enfin en ville, il est presque seize heures à en croire ma montre. Elle est aussi vieille que ma famille, d’après un oncle, elle est d’artisanat Elfe. Je ne sais pas si c’est vrai, mais les rouages sont encore intacts même après vingt générations, à son dos, tous les noms de ses détenteurs y sont gravés en petits caractères, il ne manque que le mien. Je pénètre en ville, l’architecture est plutôt agréable à regarder et la ville est bien organisée, les habitations ont la base faite de pierres et le reste en bois, il y a un quartier commerçant, un autre militaire, un troisième résidentiel et un quatrième religieux. Une très grande place, au centre, pourrait être considérée comme étant un quartier, c’est elle qui réunit la plupart des auberges, des tavernes et des bains. Y arrivant, je décide d’une auberge dans laquelle dormir et entre dans une taverne nommée « La bague de cristal blanc », c’est un grand établissement de bois, aux fenêtres opaques, les prix y sont plutôt bas, mais l’établissement semble être relativement propre. Je prends une chambre pour deux jours, au prix de quatre Ïsdùrs (il s’agit de la monnaie utilisée par les pays avoisinant l’océan intérieur) J’y pose mes affaires et m’en vais pérégriner en ville, ma bourse est encore pleine de la monnaie empruntée dans les ruines de mon village. Je me dirige vers le quartier commerçant, auquel la taverne dans laquelle j’ai emménagé est accolée. J’y achète quelques aliments, choisissant de ne prendre une bonne quantité de vivres que le surlendemain, avant de repartir, cette fois-ci en direction d’Harmino. Je revends diverses choses encore en état trouvées dans la ferme que j’ai fuie, et qui soient portables jusqu’ici sans problèmes particuliers. Le marchand qui me les achète semble être soucieux et indécis, c’est un grand homme avec presque pas de cheveux, il porte un tablier de cuir brun, des bottes brunes qui semblent vieilles et des gants en écaille de poisson. Il me demande, après m’avoir examiné discrètement, d’où je viens.
- Du pays de Dain, j’en suis parti il y a quatre jours.
- Alors tiens. Dit-il avec un sourire, me rendant un bon tiers de mon argent.
- Tu en auras plus besoin que moi… Si jamais tu as besoin de moi, je m’appelle Gillhun et je n’habite pas loin du palais du thane.
- Merci beaucoup, Gillhun.
- Et tu peux m’appeler Gill’ si tu veux. Disait-il tandis que je m’éloignais.
Il était déjà presque dix-neuf heures. Je rentrais donc à la taverne que j'avais choisie, y prenait un repas frugal et allais me coucher.
Cette nuit-là, comme toutes les autres nuits, je rêvais, mais ce n’était pas un rêve à proprement parler, On pourrait l’appeler vision, présage… cauchemar… et bien d’autres noms.
J’étais à nouveau dans les montagnes, faisant face au même panorama prétentieux que le jour dernier, mais je n’étais pas le même. J’avais l’air d’être plus âgé, plus fort et j’avais un air déterminé, au loin, on voyait une espèce d’aigle colossal fait de feu, quelque chose me susurrait le nom « Lurion ». D’ailleurs, si quelque chose ne me disait pas que c’était moi, je ne me serais pas reconnu. Peu à peu, une silhouette apparue à mes côtés, troublant l’air ; un arc-en-ciel miniature se formait, le moi plus âgé le regarda avec intérêt comme on regarde un enfant qui vient de naître, un visage de femme apparu peu à peu, il semblait marqué par les affres d’une guerre. Le buste laissait vaguement voir un mur gris et un vitrail bleu, représentant des scènes antédiluviennes. Le visage parla d’une voix qui n’allait pas du tout avec ce que je voyais, la voix était douce, calme et posée mais non dénuée d’un pointe d’angoisse.
- Ca va mal ici, deux blessés de plus en une heure, et les assaillants sont toujours plus nombreux, l’archimage fait ce qu’il peut, mais les blessures suintent un étrange liquide noirâtre qui refuse de disparaître et nous empêche de les soigner. Le chariot d’argent devrait heureusement bientôt arriver. Le moi plus âgé répondit d’une voix douce, presque amoureuse, mais néanmoins anxieuse que je ne me connaissais pas.
- De mon côté, j’ai atteint la caverne dont je t’avais parlé, celle qui m’a abrité lorsque je traversais les montagnes, il y a deux ans, Lurion est loin à l’horizon, mais je suis plus rapide !
J’avais donc deux ans de plus. Le moi âgé marqua une pause, puis reprit de cette voix que j’étais sûr de ne jamais avoir prononcée.
- Cet Aster va voir de quel bois je me chauffe ! Une fois cela dit, l’arc-en-ciel disparut. Une fois l’arc-en-ciel totalement dissipé, le moi plus mûr sortit un tison d’une poche de sa tunique en cuir, une tunique que je n’avais jamais vu d’ailleurs. Le tison était aussi gros qu’un poing et était brûlé à l’une de ses extrémités. Le moi eut un instant un regard vide, puis il remit le tison dans la poche d’où il l’avait sorti et reprit son chemin.
Mon regard ne bougea pas, et le moi plus expérimenté ne tarda pas à disparaître de mon champ de vision. Puis j’entendis une voix, comme si un couteau raclait la pierre, celle-ci était faible mais tout de même présente.
- Ceci ne se passera… pas forcément… mais c’est probable… alors… reste sur tes gardes… jeune… ou… tu perdras plus… que tu ne le souhaiteras…
Et le rêve prit fin.
Je me réveillais, encore troublé par ce que j’avais vu cette nuit-là. Je remarquai alors un miroir que je n’avais pas vu hier, remarque, il n’était pas très grand et était caché à moitié par le rideau que je n’avais pas pris la peine de placer correctement. Je me regardais. Je donnais l’impression de manquer de sommeil, et j’avais mauvaise mine. Je vais me décrire rapidement. J’ai les iris bleus, les sourcils de quelqu’un qui semble ne jamais avoir été en colère, mes cheveux châtains sont repoussés vers l’arrière. Mon menton est dans la norme, comme mon nez. Je suis plutôt musclé, remercions-en les travaux de la ferme, j’approche du mètre quatre-vingt. Je porte des vêtements neufs, achetés le jour de mon arrivée à Kolbb, remplaçant mes vieux vêtements de fermier, qui, d’ailleurs, tombaient en lambeaux à moitié carbonisés. Je porte également des bottes de marche. Je parle deux langues, la langue commune (langue utilisée dans tout Palmyra et qui est utilisée principalement pour le commerce) et le Norrñdor (langue parlée par les pays au nord de l’océan intérieur.) et sait compter.
Je descends au rez-de-chaussée pour y prendre un petit déjeuner, avant de retourner me promener en ville. Je ne remarque pas le jeune homme assis dans un coin de la salle, qui m’observe discrètement. Je ne le vois pas non plus me suivre lorsque je pars et me dirige vers le quartier religieux.
A la limite entre le quartier religieux et le quartier commerçant, une boutique d’apothicaire indiquait « ouvert ».
J’entre. En poussant la porte, une petite cloche sonne. Je vois alors un vieil homme se diriger vers moi, il a l’air d’avoir tout vu, je lui donnerai bien mille ans, si cela était possible. Il s’adresse à moi d’une voix calme et posée.
- Egren, pour vous servir. Que voulez-vous jeune homme ? »
- J’ai pensé que puisque vous étiez apothicaire vous pourriez me conseiller deux ou trois élixirs contre les maladies les plus communes.
- Tu dois être arrivé en ville récemment non ?
- En effet.
Ainsi, il me confia quelques bouteilles, l’une contre la toux, l’autre le rhume et cetera et cetera. Alors que je sortais ma bourse, il dit :
- Oh non, je n’en ai pas besoin, il te sera plus utile à toi qu’à moi, garde ton argent, un vieil homme comme moi qui n’as plus vraiment besoin d’argent peut vivre sans.
Je rangeais donc ma bourse, le remerciai et repartais.
Mais avant de sortir, le jeune homme qui m’avait épié à l’auberge ce matin sans que je le sache entra.
- Ah tiens, c’est toi Mithgil. Lança Egren, l’apothicaire.
- Je pensais que tu viendrais plus tard, mais ce n’est pas grave tout ou presque est déjà prêt, il va falloir laisser cinq minutes à la dernière infusion pour la mélanger avec le reste, tu peux attendre ?
- Pas de problème Egren. De toute façon j’aimerais bien parler avec celui qui s’apprête à quitter la boutique. Dit-il d’un ton plutôt aimable.
Entendant qu’un s’adressait à moi, je me retournai, je pus voir clairement mon interlocuteur.
Mithgil avait les cheveux noirs, les yeux verts et avait le visage de quelqu’un qui sourit beaucoup. Il semblait musclé, pas bien plus que moi et portait un pourpoint en cuir, un pantalon en toile et des bottes usées. Il était un peu plus grand que moi, il devait faire un mètre quatre-vingt cinq à tout casser.
- Alors comme ça tu viens d’arriver en ville. Voyant mon air étonné il dit :
- Ah oui, tu te demandes comment je le sais ? Je passais dans la rue quand tu as répondu à Gillhun, j’allais voir un ami à ce moment là… Bon tu me réponds ? Dit-il. avec un sourire chaleureux.
- Ah, oui. Oui je viens bien d’arriver, enfin hier.
- On ne peut pas dire que j’habite ici de toute façon. Je suis arrivé il y a deux semaines à peine. Conta-il joyeusement.
- Je me demandais, tu comptes rester ici encore combien de temps ? Sachant que je pars demain, ou au plus tard après-demain, même si je peux évidemment attendre plus de trois jours… Quoique… Il faudrait que j’arrête de parler comme si j’étais tout seul… Dit-il, m’assommant de paroles.
- Je pars demain, sans doute.
- Et où vas-tu donc ? Si tôt arrivé si tôt reparti.
- Dans un premier temps, à Harmino, j’irais ensuite à Taredrë, la congrégation de magie du nord. Même si je ne dispose pas forcément de talents magiques développés, ce sera toujours un bon petit havre de paix, puisqu’une petite ville en est proche, à peine à un kilomètre.
- C’est presque prêt Mithgil. lança Egren.
Il était presque midi. Nous nous promenions tous deux dans la ville, principalement dans le quartier commerçant tous en faisant connaissance. A treize heures passées, nous nous dirigeâmes vers notre taverne et y mangeâmes tranquillement, j’avais appris entre temps que sa destination était la même que la mienne.
Nous passâmes le reste de l’après-midi à nous promener, dans et hors de la ville. Mithgil, avait un passé plutôt étonnant, il venait d’Helldur, une province du nord, était né dans une petite région appelée "le cercle des grands géants". Il avait dix-sept ans et était arrivé en Asfol il y a deux semaines, après qu’un séisme ait créé une grande vague, s’enfonçant sur quelques kilomètres dans les terres et obligé une bonne partie des habitants du pays à fuir. Il avait traversé le chemin entre sa ferme natale et Kolbb en huit jours, ce qui était louable même avec un mulet pour transporter vos affaires, et était arrivé à Kolbb à moitié mort. Il avait passé les deux dernières semaines à se rétablir et à songer où aller. Il y a trois jours, il avait décidé de se rendre à Taredrë, en espérant pouvoir y apprendre beaucoup et y trouver un peu de paix.
Tout comme moi, il parlait la langue commune et le Norrñdor, savait compter et était gaucher. Il avait lui aussi été fermier durant toute sa vie, jusqu’à ce qu’il dût quitter le pays
- J’aurais pu rester en Helldur, mais il ne me restait qu’un père âgé et une demi-sœur enceinte, j’ai préféré les laisser vivre seuls, je ne leur étais plus d’une grande utilité après cette catastrophe.
Le soir arrivé, il alla passer la nuit dans l’auberge dans laquelle il dormait depuis deux semaines déjà. Et j’allais moi-même dormir après un court repas.
Pas de rêve étrange cette nuit-là… Des rêves comme nous en avons tous, vous savez, ceux qui n’ont rien de particulier.
Je me réveillais, me levais, m’habillait et descendais au rez-de-chaussée, j’y retrouvai Mithgil qui devait sans doute m’attendre car il avait l’air perdu dans ses pensées. Nous allâmes faire provisions de nourriture et d’eau au quartier commerçant, empaquetâmes le tout sur le mulet de Mithgil pour tout transporter. Nous allâmes chercher nos affaires dans nos établissements respectifs et nous retrouvions à la porte la plus au sud de la ville. Je fus surpris de voir le mulet si chargé, qu’il avait pris en me disant qu’il avait probablement plus d’affaires que moi à transporter, le mulet en question, qui s’appelait Ondée était presque deux fois plus chargé qu’il l’était avec les simples vivres. Il y avait, voyons, une épée de cavalerie, deux dagues tordues, un arc sans corde, une targe, un bouclier en fer rouillé, un autre en bois, un espadon d'acier brisé en deux morceaux, deux casques en acier dont un enfoncé au niveau des yeux, une paire de gants en cuir et une huitaine de rouleaux de papier jaune dont six déchirés.
- D’où tu tiens tout ça ? Fis-je interloqué.
- D’une maison communale de mon pays d’origine. Dit-il, son visage se fendant d’un grand sourire.
- Et tu ne t’es pas fait arrêter en entrant en ville ?
- Disons que j’ai convaincu le portier de me laisse passer. Il leva une dague vers le ciel tout en parlant, et la regarda, celle-ci brillait au soleil.
Voyant mon air stupéfait et inquiet, il éclata de rire et me rassura :
- Mais non voyons, je ne l’ai pas menacé, simplement… convaincu.
- Hmpf… Je ne croyais qu’à moitié à son innocence.
- Il faudrait peut-être partir...
- Allons-y.
Chapitre deuxième.
Ceraëth. Nous étions à Harmino depuis deux jours. C’est une belle ville. Placée sur une colline, elle est facilement défendable. Les quartiers les plus riches sont sur le haut de la colline, au plus bas, ce sont les quartiers militaires et commerçants. Les bâtiments sont placés de façon à ce que les incendies ne se propagent pas. Un système de tout à l’égout perfectionné assure une propreté minimale. Le thane de la région habite dans un manoir, en haut de la colline, toute sa famille y vit également.
Mithgil et moi avons emménagé dans une petite auberge du nom de « Au coin du feu ». L’établissement disposait d’une très grande cheminée, six personnes tenaient aisément face aux flammes. Les chambres n’étaient pas chères, trois Ïsdùrs la nuit et seulement deux les jours de fin de semaine. Nous y dormiront encore une semaine, le voyage jusqu’ici à été plutôt éprouvant. Alors que nous venions de quitter Kolbb, les nuages se sont amassés et deux heures plus tard il pleuvait des cordes. Nous n’avions pas pu continuer la nuit, un blizzard s’était levé, nous empêchant de continuer. Heureusement, au matin il ne neigeait plus, nous avons donc pu continuer, bien qu’à un rythme plus lent que prévu. Peu après midi, nous avions du éviter une patrouille de soldats aux airs inquiétants qui n’aurait pas accueilli nos bagages avec bonhomie. Le lendemain, il s’était remis à pleuvoir, et quelques heures après, un nouveau blizzard apparu. Nous avons été immobilisés pendant une demi-journée avant de pouvoir repartir. Nous étions arrivés le septième jour, morts de faim et épuisés, alors que nous aurions dû arriver en trois jours, quatre tout au plus, et dans une relative insouciance. Nous avions fait entrer les armes et armures sans que les gardes s’en aperçoivent, remercions-en les égouts, et le brouillard qui régnait à ce moment-là.
Ces deux jours pendant lesquels nous étions à Harmino, auxquels vont encore suivre une semaine, ont été plutôt paisibles. Nous avons pu nous requinquer ainsi que notre mulet. Nous avions visité la ville, fait diverses choses et pris du bon temps.
Mais malgré ce bonheur apparent, quelque chose me troublait… La deuxième nuit, j’avais fait un rêve, on pouvait y voir un buste verdâtre, ressemblant à un masque du sud du continent, le buste avait articulé avec la voix de couteau raclant la pierre du rêve précédent "Le temps passe… Petit héros… Et mes troupes se rassemblent… Le pays de Dain ne sera pas le seul à tomber… Mes sorciers t’épient… Fais attention… Petit héros… Je veille… à ce que tu ne me causes pas trop d’ennuis". Puis j’avais vu un corps, habillé dans un pourpoint bleu et paré de gants d’écailles gris reflétant la lumière du soleil couchant, tomber d’une falaise, fonçant droit vers un rocher en pointe qui perçait la mer. Sur la falaise, à l’endroit d’où était tombé le corps, une silhouette brune. L’être qui venait d’abîmer le corps encore entrain de choir était caché par une tunique brune, une capuche était rabattue sur sa tête, on voyait juste percer le bout d’un bec d’oiseau… et deux lueurs rouges… les yeux de la bête… La voix du buste qui avait fait débuter ce rêve macabre chuchota "Lerthblaka… Le tueur irrévocable… inexpugnable…". Lerthblaka se retourna, et partit. Le corps abîmé finit sa chute, s’écrasant sur le rocher, mais malgré la pointe qu’il formait, il ne fut pas empalé. Bien au contraire, l’être qui était tombé se releva, psalmodia un juron et d’un claquement de doigt, fit apparaître un escalier blanc, d’une trentaine de centimètres de large, sur le flanc de la falaise. Il entreprit de remonter, un air déterminé était arboré par son visage indistinct. Et ma vision se floua. Des rêves normaux suivirent.
Je m’étais réveillé, un peu inquiet par tous ces rêves tordus.
Le reste de notre séjour se passa sans encombre, nous pûmes d’ailleurs éviter un blizzard qui dura deux jours de suite en repoussant notre départ de trois jours.
Le voyage jusqu’à Taredrë fût bien plus court que le précédent, trois jours seulement, et un pont écroulé nous avait forcés à passer à la nage un petit cours d’eau, ce qui avait pris trois bons quarts d'heures, tant Ondée était chargé, on lui avait d'ailleurs retiré une grosse sangsue qui passait par là lorsque nous l'avions fait traverser.
C’était une belle ville d’architecture Elfe, aux angles élégants et aux boiseries travaillées. Elle n’était malheureusement guère plus grande qu’un petit village.
Mais ce qui nous avait fait venir ici, était juché sur une colline un peu plus loin. Un bâtiment étincelant aux teintes bleutées et aux vitraux tellement détaillés et colorés qu’ils paraissaient irréels.
- Nous y sommes enfin. Dit Mithgil, à côté de moi.
- L’Académie de magie de Taredrë, fondée il y a sept siècles, la plus vieille académie de tout Palmyra.
Ladite académie resplendissait au soleil couchant. Soleil couchant qui d’ailleurs de l’angle où nous étions Mithgil et moi était placé juste en dessous des têtes d’un couple de statues qui s’embrassaient au dessus d'une fontaine.
Nous nous approchâmes du bâtiment, au bas de la colline, clôturant les jardins, une grille blanche donnait accès au chemin qui menait à une petite place, au centre de laquelle se trouvaient la grande fontaine surmontée des deux statues qui s'embrassaient.
Nous avons été accueillis par un mage en robe blanche, qui dit être « le portier, nobles gens, suivez-moi je vous prie ». Il nous emmena sur la petite place qui faisait face aux trois bâtiments qui composaient l’académie, nous entrâmes dans le hall du plus grand d’entre eux. Il nous fit grimper un escalier jusqu’à l’avant dernier étage. Nous étions alors face à une porte sur laquelle un petit écriteau disait « Quartiers de l’Archimage, ne pas entrer après vingt-et-une heures sans une bonne raison ». Je regardait ma montre, il n’était que dix-huit heures, pas de problème donc. Le « portier » nous fît entrer, l’Archimage était derrière un bureau. C’était un homme qui devait avoir la cinquantaine, il portait une paire de lunettes, un grand manteau gris, et un pantalon épais, sans doute en laine, lui aussi gris, il lisait quelque chose parmi le fatras qui couvrait son bureau, et probablement, son intérieur. Il releva la tête à notre entrée, haussa un sourcil, se leva et s’approcha de nous.
- Vous êtes de nouveaux arrivants je suppose ?
- En effet. Répondis-je.
- Monsieur l’Archimage, on m’a chargé de vous dire que votre réunion était repoussée de deux heures, Negel s’étant carbonisé les cheveux accidentellement avec une torche un peu surprenante.
- Parfait, je vais pouvoir faire connaissance avec ces deux personnes, tu peux te retirer Zzado.
- Bien.
- Alors, comment vous nommez-vous ? Questionna l’archimage tandis que notre guide s’en allait.
- Keiner. Répondis-je.
- Mithgil.
- Quand à moi, je suis Ceraëth, et épargnez moi les attentions qu'on donne à un vieil homme... Notre académie n’accueille pas que ceux qui ont un talent magique, on pourrait dire que nous sommes plus une auberge gratuite qu’autre chose, une bonne partie des personnes que vous trouverez ici n’ont aucun ou presque aucun don magique, ou de nature faible. J’aimerais vous connaître un peu plus et nous verrons plus tard si vous avez ou non un ce qu’on appelle un don.
Nous discutâmes ainsi pendant presque une heure. Quand nous en vînmes à parler de nos raisons de venir ici, la porte du bureau s’ouvrit brusquement, et une jeune femme qui devait avoir deux ans de plus que moi entra, elle portait une cotte bleue finement travaillée, qui était un peu plus moulante qu’un vêtement habituel. Comme moi, elle avait les cheveux châtains, ils étaient coiffés en queue de cheval, ses yeux bleus étaient marqués d’une grande détermination, mais d'un air effrayé aussi. Elle était presque plus haute que moi.
- Osirò n’existe plus… Dit-elle, reprenant son souffle ; elle avait du monter les escaliers au pas de course. Le pays entier à été rasé !
- Les détails ? Fit l’archimage interloqué et paniqué, tout comme moi et Mithgil d’ailleurs.
- J’ai couru vous prévenir, on vient de l’apprendre, les nains de Quevebor qui ont survécu nous l’ont communiqué, cela s’est produit il y a deux jours, nous avons étés les premiers prévenus grâce à l’orbe d’Alentir que vous avez donné à l’ambassadeur nain, qui se meurt d’ailleurs à l’heure où nous parlons, les réseaux de grottes des nains sont ensevelis à l’heure qu’il est… Ils sont coincés sous dix kilomètres de montagnes.
- Bien, Yyiinjiin, tu peux rester ici quelques minutes, d'ailleurs le parchemin est prêt -dit-il en sortant un rouleau de papier d'un des très nombreux tiroirs de son bureau- je me charge de prévenir le reste de l’académie, et d’organiser une investigation.
S’adressant à nous, il reprit :
- Il va falloir que j’y aille, désolé, nous reparlerons plus avant une autre fois.
Enchaînant, il demanda à la nouvelle venue :
- A-t-on idée de qui a pu faire ça ?
- L’ambassadeur nain à dit que des rumeurs couraient depuis quelques semaines, on entendait le vent chuchoter un nom étrange à l’oreille de ceux qui l’écoutaient.
- Et quel est ce nom ?
- Aucune idée, aucun des survivants n’a pour l’instant voulu le répéter, pas à nous du moins -son regard s'assombrissant-, la plupart pense qu’il va leur arriver un malheur s’ils le disent. Comprenons-les, leurs demeures viennent d’être réduites en petits morceaux.
- Bon, j’y vais, je serai revenu d’ici quelques minutes. Vous deux, -continua-t-il s’adressant alors à nous- si vous pouviez rester ici je ne serai pas contre, l’académie va être en effervescence pendant un bon moment, ce ne sera pas le meilleur moment pour visiter les lieux.
Tandis que Ceraëth s’en allait, Yyiinjiin se tourna vers nous deux, la voir évoquai en moi un sentiment que je ne connaissais pas. Mais je n’en étais pas sûr, était-ce vraiment … ? Non ; probablement pas. Je ne la connaissais pas.
- Vous devez être nouvellement arrivés, non ? Sa voix, lorsqu’elle était plus calme, était très agréable à écouter.
- En effet. Répondis-je. Nous sommes arrivés ici il y a un peu plus d’une heure.
- Alors bienvenue à vous deux. Je suppose que vous n’avez fait que discutailler depuis ?
- Je confirme. Confirma Mithgil d'un air innocent et quelque peu ennuyé.
- Ceraëth… Quand j’étais arrivée, avec ma sœur, il y a cinq ans, nous avions discuté cinq heures de suite… Remarque, nous avions un bon sujet de discussion. Elle marqua une pause, puis poussa un soupir lourd de sens.
- C’est à dire ? Demandai-je timidement.
- C’est… Privé. D’autant plus que je ne révèlerais rien sans l’accord de ma sœur. Lorsqu’elle prononça le mot sœur, sa voix n'était plus qu'un chuchotement.
Elle reprit :
- Je vais y aller, vous direz à Ceraëth que je vous ferai visiter, je suis la seule sans tâche pour au moins deux semaines -elle grommela un court instant- il devrait revenir d’ici une petite heure.
Et elle s’en alla. Mithgil brisa le silence qui venait de s’installer une minute durant.
- On peut dire qu’on a bien étés accueillis. Dit-il d’un ton satisfait.
- C’est sûr. Il n’empêche que… tout cela me rend plutôt nerveux.
- Tout ça quoi ?
- Réfléchis un peu, tu veux ?
Moment de réflexion.
- Ah oui, tu donnais l’air d’être subjugué tout à l’heure !
- Hein ?
- Quand cette fille s’est tournée vers toi.
- Mais je ne parle pas de ça !
- Du pays rasé ?
- Evidemment…
- Il n’empêche que tu la regardais bizarrement…
- C'est ça… Fis-je frustré de ne pas comprendre ce qui m’arrivait.
J’observais alors la pièce, je n’avais pas pris le temps de la regarder en détail jusqu’à maintenant.
Il n’y avait pas grand-chose de notable, mis à part une étagère remplie d’ingrédients tous plus irréels les uns que les autres, une étiquette indiquait "Bile de Salamandre tricéphale" ou encore "Flamme de vide", une troisième disait "Cendre de pierre". Dans un coin de la pièce, près d’une fenêtre, un alambic gisait, très usagé. Le plafond était en bois, un bois plutôt foncé et quelque peu abîmé, il n’avait dû être verni depuis quelques années. Mon regard passa sur une fenêtre, le soleil éclairait par ses ultimes rayons les montagnes au nord d’Asfol. Moment de mélancolie. Toute ma famille… Abîmée et perdue.
La porte s’ouvrit lentement. Ceraëth était revenu, il était accompagné d’un homme, jeune, sans doute pas plus vieux que moi. Les deux venaient sans doute de discuter d’un sujet grave, ils étaient perdus dans leurs pensées. Nous voyant, Ceraëth sembla reprendre conscience et revînt rapidement s’asseoir derrière son bureau. L’autre homme nous gratifia d’un « Bonjour, au revoir » dénué de toute intonation. Puis s’en alla.
- Reprenons, où en étions-nous ?
- A nos raisons d’être venus jusqu’ici.
- Merci Mithgil.
- Je suis Keiner.
- Oui, désolé, l'arrivée de cette nouvelle m'a quelque peu secoué.
- Comme nous avions commencé à vous le dire, nous sommes plus ou moins des réfugiés, même si je ne supporte pas ce mot. Or nous n’avions plus nulle part où aller.
- Je vous l’avais dit, nous servons plus d’auberge qu’autre chose, vous avez étés bien inspirés de venir ici, et bien robustes d’être arrivés en bon état. Etant donné tout ce qui vient de se passer, je ne suis pas d’humeur à la conversation. Nous allons rapidement voir si vous avez un don magique ou non.
Il sortit une plume d’un tiroir de son bureau et la contempla deux ou trois secondes. Je regardais la plume dubitativement. Voyant mon regard, l’archimage comprit mon questionnement.
- Ca, ce n’est qu’une plume, elle n’a rien de particulier.
Il s’en servit pour écrire trois mots sur un papier qu'il rangea dans une des poches de sa tunique. Il rangea la plume, se leva, puis alla prendre sur l’étagère qui contenait toutes sortes d’ingrédients, un bocal vide. Il revînt s’asseoir à son bureau, nous demanda de nous approcher et parla :
- Il n’y a rien n’est ce pas ?
- Non, le flacon est vide. Je ne sais pas pourquoi, il me met mal à l’aise. Dit Mithgil.
Je réfutais l’affirmation de Mithgil :
- Je ne crois pas qu’il soit complètement vide, mais je ne suis pas sûr.
Je voyais deux choses presque invisibles, une flamme tentant de prendre le dessus sur quelques gouttes d’eau, mais ce n’était pas une flamme normale, elle semblait violette, et l’eau était rougeâtre.
- Ce bocal contient les ambitions injustes du plus grand démon des seize, Aëthleb, la flamme, les idées inexpugnables de Lurion, le troisième Aster, sont le liquide rouge.
Au nom Lurion, je me redressais subitement.
- Qu’y a-t-il ? Demanda Ceraëth.
- J’ai déjà entendu ce nom quelque part !
- Lurion ?
- Oui, Lurion.
- Ca ne me dit rien. Dit Mithgil, qui était resté passif jusque là.
- Je crois avoir rêvé à ce sujet. Fis-je, prudent.
- Tu confirmes mes suppositions, tu as réellement un don. En vérité tout le monde en a un, mais rares sont les personnes qui savent qu’elles l’ont, car il ne se manifeste que rarement et est souvent très faible. Ce qui fait que tu as vu cette flamme et cette eau, c’est la confirmation que tu as les capacités nécessaires à l’utilisation de ton don. De plus, tu dis avoir fait un rêve autour de Lurion, je ne remets pas cela en cause, car c’est une autre preuve que tu as des capacités.
- Ceux qui ont un don ont des visions ?
- Ce n'est pas ça. Cela n’arrive pas à tout le monde, une vieille légende veut que ceux qui ont des visions ont un destin tragique je n’y crois pas et rien ne prouve que ton rêve soit une vision, tu as deviné un nom, rien de plus. Ceci dit… Dans ce rêve, à quoi ressemblait Lurion, enfin, si tu l’as vu.
- C’était un grand oiseau de flammes oranges, il devait être aussi gros que cette académie, au vu de la lumière qu’il produisait.
- Je vois. Maintenant, dit moi, qu'est ce que ces éléments ont de particulier ?
- Ils tentent de prendre l'ascendant l'un sur l'autre ?
- C'est ça. Bien. Je vais vous trouver une chambre pour la nuit, demain matin, à neuf heures -dit-il en regardant ma montre- vous irez dans la cour, autour de la fontaine centrale, Yyiinjiin qui s'est portée volontaire vous y rejoindra et vous fera visiter, d'ici là je compte sur vous pour bien vous reposer, je vous ferai aussi apporter de quoi manger un peu.
Il nous conduisit alors dans un grand dortoir, la porte dudit dortoir était surmontée d'un écriteau barré en cuivre "Chambre de Negel". La pièce faisait cinq ou six mètres de longueur et de largeur, était haute de trois mètres cinquante, au coin droit en entrant, une grande cheminée était allumée et du bois brûlait tranquillement, en face de l'entrée, une petite porte donnait sur une autre pièce, au milieu de la première pièce, une grande table en chêne était occupée par un grand saladier vide autour duquel deux drôles de bêtes d'une douzaine de centimètres de long -des salamandres- se promenaient lentement, pour finir, une inquiétante odeur de brulé flottait dans l’air. Une fille d'une douzaine d'années regardait les flammes attentivement, assise dans un grand fauteuil, il fallut que l'archimage l'interpelle pour qu'elle sache que nous étions entrés.
- Caladria, nous avons deux nouveaux arrivants ce soir, fais leur un peu de place -il jugea la salle en désordre comme si ce n'était pas la première fois- et n'effraie pas nos invités avec ton feu -dit-il tandis qu'une petite flammèche verte disparaissait de la paume de la main droite de la fillette.
Ceraëth nous laissa donc là, avec une fille dont les yeux semblaient animés par un grand brasier.
- Et si vous entriez au lieu de rester plantés là ? Vous ne faites pas très futés comme ça. Mithgil ne se fit pas prier et s'assit avec nonchalance sur un grand fauteuil.
Cette fille avait de très longs cheveux, qui lui descendaient jusqu'au fesses, ses cheveux étaient rouges, un peu roux, mais surtout rouges, son oeil gauche était bleu et son oeil droit vert, ça ne choquait pas plus que ça, c'était principalement sa chevelure qui retenait l'attention. Elle était haute d'un bon mètre soixante, elle portait de beaux habits en soies, brûlés en quelques points, sans que cela ne donne l'impression de la gêner d'aucune façon.
- Comment vous appelez vous ? Dit-elle de sa voix aigue.
- Keiner.
- Mithgil.
- Keiner hein ? Je connaissais quelqu'un avec ce nom, il n'est plus là aujourd'hui... -Elle laissa sa phrase en suspens avant de reprendre d'un ton plus enjoué qui passa rapidement à l'avertissement- Caladria, et je vous interdis de toucher à mes salamandres ! Elle avisa les deux lézards à six pattes qui tournaient autour du saladier, laissant une inquiétante odeur de brûlé derrière eux.
- Evitez de leur faire approcher du papier ou du tissu ; non, ne leur faites rien, ce sera mieux pour vous comme pour eux. Son ton était mi inquiet mi menaçant, comme si elle avait vécu un incident avec ses étranges animaux de compagnie.
Nous nous installâmes donc, la cheminée réchauffait agréablement la pièce et les fauteuils étaient très confortables, vers vingt-trois heures, alors que nous finissions de manger un plat amené par Yyiinjiin, qui était repartie prestement -sûrement cette histoire de pays mis en pièce qui m'inquiétait de plus en plus-, Caladria alla dormir :
- Là bas -elle montra la porte en face de celle par laquelle nous étions entrés-, c'est les lits, évitez de prendre celui voisin au mien, j'ai mes salamandres qui aiment y dormir assez souvent"
- Qu'a t-elle avec toutes ces salamandres ? Me questionna Mithgil après qu'elle fut partie.
- Si je le savais...
- Je crois que je vais dormir ici, moi, ce fauteuil est trop agréable pour que je me lève.
- Tu ne crois pas que si les fauteuils sont confortables à ce point, les lits sont encore meilleurs ? Il prit un air dubitatif tandis que j'avisais un gros livre au dessus de la cheminée.
- Histoire des bêtes méconnues, ouvrage dix-sept, les salamandres -lis-je à voix haute-, Mithgil se retourna rapidement vers moi et avisa à son tour le gros volume. Je lisais alors le titre du livre voisin :
- Décret sur les salamandres. Le troisième livre a un titre un peu atypique : Les trois têtes de Salamandra.
- Cette fille a une vraie passion pour ces bestioles ! -Mithgil fit rapidement le tour de la pièce de son regard-, tout parle de salamandre ici, même les tableaux !
- Je plussoie –dis-je en baillant-... Je vais aller dormir dans un lit de mon côté, à demain, si tu décides de rester ici.
- Bonne nuit compagnon d'aventure !
J'allais donc dans la pièce où Caladria s'était retirée, j'avisais une grande bibliothèque sur le mur gauche de la pièce, elle craquait presque sous le poids des livres qui étaient là, certains étaient même posés sur d'autres livres tant la place manquait, dans l'obscurité je pus lire quelques titres et voir quelques couvertures, tous ces livres parlaient de salamandre, et occasionnellement de feu, cette fille était folle de ces animaux, d'ailleurs, elle me regardait avec des yeux qui semblaient presque émettre de la lumière.
- Tu auras du mal à trouver un livre qui traite d'autre chose que de feu ici, à moins d'être persistant, et encore, j'en doute. -Elle me montra un lit non loin de la bibliothèque- tu dormiras là, et ton ami dans le lit d'à côté, le troisième est conquis par mes salamandres et j'occupe le quatrième.
- D'accord. Fis-je d'un ton respectueusement fatigué face à cette fillette qui me donnait des ordres, j'étais trop fatigué pour riposter de toute façon.
Je m'endormais donc, pensant avec inquiétude à cette histoire de pays réduit en cendres ; ainsi, d'autres avaient vécu le même sort que moi. Retournant toutes ces pensées encore et encore, je mis presque une heure à m'endormir.
La nuit fut reposante, longue, mais reposante, je n'ai fait que peu de rêves cette nuit là, ils étaient aussi normaux qu'un livre dans une bibliothèque, Mithgil, fidèle à sa parole, passa la nuit dans son fauteuil. Vers huit heures trente, lorsque que Caladria dormait encore, nous allâmes au point de rendez-vous, dans la cour, face à la fontaine que nous avions vue la veille en entrant dans ce qu’il allait devenir notre chez soi.
Ceraëth. Nous étions à Harmino depuis deux jours. C’est une belle ville. Placée sur une colline, elle est facilement défendable. Les quartiers les plus riches sont sur le haut de la colline, au plus bas, ce sont les quartiers militaires et commerçants. Les bâtiments sont placés de façon à ce que les incendies ne se propagent pas. Un système de tout à l’égout perfectionné assure une propreté minimale. Le thane de la région habite dans un manoir, en haut de la colline, toute sa famille y vit également.
Mithgil et moi avons emménagé dans une petite auberge du nom de « Au coin du feu ». L’établissement disposait d’une très grande cheminée, six personnes tenaient aisément face aux flammes. Les chambres n’étaient pas chères, trois Ïsdùrs la nuit et seulement deux les jours de fin de semaine. Nous y dormiront encore une semaine, le voyage jusqu’ici à été plutôt éprouvant. Alors que nous venions de quitter Kolbb, les nuages se sont amassés et deux heures plus tard il pleuvait des cordes. Nous n’avions pas pu continuer la nuit, un blizzard s’était levé, nous empêchant de continuer. Heureusement, au matin il ne neigeait plus, nous avons donc pu continuer, bien qu’à un rythme plus lent que prévu. Peu après midi, nous avions du éviter une patrouille de soldats aux airs inquiétants qui n’aurait pas accueilli nos bagages avec bonhomie. Le lendemain, il s’était remis à pleuvoir, et quelques heures après, un nouveau blizzard apparu. Nous avons été immobilisés pendant une demi-journée avant de pouvoir repartir. Nous étions arrivés le septième jour, morts de faim et épuisés, alors que nous aurions dû arriver en trois jours, quatre tout au plus, et dans une relative insouciance. Nous avions fait entrer les armes et armures sans que les gardes s’en aperçoivent, remercions-en les égouts, et le brouillard qui régnait à ce moment-là.
Ces deux jours pendant lesquels nous étions à Harmino, auxquels vont encore suivre une semaine, ont été plutôt paisibles. Nous avons pu nous requinquer ainsi que notre mulet. Nous avions visité la ville, fait diverses choses et pris du bon temps.
Mais malgré ce bonheur apparent, quelque chose me troublait… La deuxième nuit, j’avais fait un rêve, on pouvait y voir un buste verdâtre, ressemblant à un masque du sud du continent, le buste avait articulé avec la voix de couteau raclant la pierre du rêve précédent "Le temps passe… Petit héros… Et mes troupes se rassemblent… Le pays de Dain ne sera pas le seul à tomber… Mes sorciers t’épient… Fais attention… Petit héros… Je veille… à ce que tu ne me causes pas trop d’ennuis". Puis j’avais vu un corps, habillé dans un pourpoint bleu et paré de gants d’écailles gris reflétant la lumière du soleil couchant, tomber d’une falaise, fonçant droit vers un rocher en pointe qui perçait la mer. Sur la falaise, à l’endroit d’où était tombé le corps, une silhouette brune. L’être qui venait d’abîmer le corps encore entrain de choir était caché par une tunique brune, une capuche était rabattue sur sa tête, on voyait juste percer le bout d’un bec d’oiseau… et deux lueurs rouges… les yeux de la bête… La voix du buste qui avait fait débuter ce rêve macabre chuchota "Lerthblaka… Le tueur irrévocable… inexpugnable…". Lerthblaka se retourna, et partit. Le corps abîmé finit sa chute, s’écrasant sur le rocher, mais malgré la pointe qu’il formait, il ne fut pas empalé. Bien au contraire, l’être qui était tombé se releva, psalmodia un juron et d’un claquement de doigt, fit apparaître un escalier blanc, d’une trentaine de centimètres de large, sur le flanc de la falaise. Il entreprit de remonter, un air déterminé était arboré par son visage indistinct. Et ma vision se floua. Des rêves normaux suivirent.
Je m’étais réveillé, un peu inquiet par tous ces rêves tordus.
Le reste de notre séjour se passa sans encombre, nous pûmes d’ailleurs éviter un blizzard qui dura deux jours de suite en repoussant notre départ de trois jours.
Le voyage jusqu’à Taredrë fût bien plus court que le précédent, trois jours seulement, et un pont écroulé nous avait forcés à passer à la nage un petit cours d’eau, ce qui avait pris trois bons quarts d'heures, tant Ondée était chargé, on lui avait d'ailleurs retiré une grosse sangsue qui passait par là lorsque nous l'avions fait traverser.
C’était une belle ville d’architecture Elfe, aux angles élégants et aux boiseries travaillées. Elle n’était malheureusement guère plus grande qu’un petit village.
Mais ce qui nous avait fait venir ici, était juché sur une colline un peu plus loin. Un bâtiment étincelant aux teintes bleutées et aux vitraux tellement détaillés et colorés qu’ils paraissaient irréels.
- Nous y sommes enfin. Dit Mithgil, à côté de moi.
- L’Académie de magie de Taredrë, fondée il y a sept siècles, la plus vieille académie de tout Palmyra.
Ladite académie resplendissait au soleil couchant. Soleil couchant qui d’ailleurs de l’angle où nous étions Mithgil et moi était placé juste en dessous des têtes d’un couple de statues qui s’embrassaient au dessus d'une fontaine.
Nous nous approchâmes du bâtiment, au bas de la colline, clôturant les jardins, une grille blanche donnait accès au chemin qui menait à une petite place, au centre de laquelle se trouvaient la grande fontaine surmontée des deux statues qui s'embrassaient.
Nous avons été accueillis par un mage en robe blanche, qui dit être « le portier, nobles gens, suivez-moi je vous prie ». Il nous emmena sur la petite place qui faisait face aux trois bâtiments qui composaient l’académie, nous entrâmes dans le hall du plus grand d’entre eux. Il nous fit grimper un escalier jusqu’à l’avant dernier étage. Nous étions alors face à une porte sur laquelle un petit écriteau disait « Quartiers de l’Archimage, ne pas entrer après vingt-et-une heures sans une bonne raison ». Je regardait ma montre, il n’était que dix-huit heures, pas de problème donc. Le « portier » nous fît entrer, l’Archimage était derrière un bureau. C’était un homme qui devait avoir la cinquantaine, il portait une paire de lunettes, un grand manteau gris, et un pantalon épais, sans doute en laine, lui aussi gris, il lisait quelque chose parmi le fatras qui couvrait son bureau, et probablement, son intérieur. Il releva la tête à notre entrée, haussa un sourcil, se leva et s’approcha de nous.
- Vous êtes de nouveaux arrivants je suppose ?
- En effet. Répondis-je.
- Monsieur l’Archimage, on m’a chargé de vous dire que votre réunion était repoussée de deux heures, Negel s’étant carbonisé les cheveux accidentellement avec une torche un peu surprenante.
- Parfait, je vais pouvoir faire connaissance avec ces deux personnes, tu peux te retirer Zzado.
- Bien.
- Alors, comment vous nommez-vous ? Questionna l’archimage tandis que notre guide s’en allait.
- Keiner. Répondis-je.
- Mithgil.
- Quand à moi, je suis Ceraëth, et épargnez moi les attentions qu'on donne à un vieil homme... Notre académie n’accueille pas que ceux qui ont un talent magique, on pourrait dire que nous sommes plus une auberge gratuite qu’autre chose, une bonne partie des personnes que vous trouverez ici n’ont aucun ou presque aucun don magique, ou de nature faible. J’aimerais vous connaître un peu plus et nous verrons plus tard si vous avez ou non un ce qu’on appelle un don.
Nous discutâmes ainsi pendant presque une heure. Quand nous en vînmes à parler de nos raisons de venir ici, la porte du bureau s’ouvrit brusquement, et une jeune femme qui devait avoir deux ans de plus que moi entra, elle portait une cotte bleue finement travaillée, qui était un peu plus moulante qu’un vêtement habituel. Comme moi, elle avait les cheveux châtains, ils étaient coiffés en queue de cheval, ses yeux bleus étaient marqués d’une grande détermination, mais d'un air effrayé aussi. Elle était presque plus haute que moi.
- Osirò n’existe plus… Dit-elle, reprenant son souffle ; elle avait du monter les escaliers au pas de course. Le pays entier à été rasé !
- Les détails ? Fit l’archimage interloqué et paniqué, tout comme moi et Mithgil d’ailleurs.
- J’ai couru vous prévenir, on vient de l’apprendre, les nains de Quevebor qui ont survécu nous l’ont communiqué, cela s’est produit il y a deux jours, nous avons étés les premiers prévenus grâce à l’orbe d’Alentir que vous avez donné à l’ambassadeur nain, qui se meurt d’ailleurs à l’heure où nous parlons, les réseaux de grottes des nains sont ensevelis à l’heure qu’il est… Ils sont coincés sous dix kilomètres de montagnes.
- Bien, Yyiinjiin, tu peux rester ici quelques minutes, d'ailleurs le parchemin est prêt -dit-il en sortant un rouleau de papier d'un des très nombreux tiroirs de son bureau- je me charge de prévenir le reste de l’académie, et d’organiser une investigation.
S’adressant à nous, il reprit :
- Il va falloir que j’y aille, désolé, nous reparlerons plus avant une autre fois.
Enchaînant, il demanda à la nouvelle venue :
- A-t-on idée de qui a pu faire ça ?
- L’ambassadeur nain à dit que des rumeurs couraient depuis quelques semaines, on entendait le vent chuchoter un nom étrange à l’oreille de ceux qui l’écoutaient.
- Et quel est ce nom ?
- Aucune idée, aucun des survivants n’a pour l’instant voulu le répéter, pas à nous du moins -son regard s'assombrissant-, la plupart pense qu’il va leur arriver un malheur s’ils le disent. Comprenons-les, leurs demeures viennent d’être réduites en petits morceaux.
- Bon, j’y vais, je serai revenu d’ici quelques minutes. Vous deux, -continua-t-il s’adressant alors à nous- si vous pouviez rester ici je ne serai pas contre, l’académie va être en effervescence pendant un bon moment, ce ne sera pas le meilleur moment pour visiter les lieux.
Tandis que Ceraëth s’en allait, Yyiinjiin se tourna vers nous deux, la voir évoquai en moi un sentiment que je ne connaissais pas. Mais je n’en étais pas sûr, était-ce vraiment … ? Non ; probablement pas. Je ne la connaissais pas.
- Vous devez être nouvellement arrivés, non ? Sa voix, lorsqu’elle était plus calme, était très agréable à écouter.
- En effet. Répondis-je. Nous sommes arrivés ici il y a un peu plus d’une heure.
- Alors bienvenue à vous deux. Je suppose que vous n’avez fait que discutailler depuis ?
- Je confirme. Confirma Mithgil d'un air innocent et quelque peu ennuyé.
- Ceraëth… Quand j’étais arrivée, avec ma sœur, il y a cinq ans, nous avions discuté cinq heures de suite… Remarque, nous avions un bon sujet de discussion. Elle marqua une pause, puis poussa un soupir lourd de sens.
- C’est à dire ? Demandai-je timidement.
- C’est… Privé. D’autant plus que je ne révèlerais rien sans l’accord de ma sœur. Lorsqu’elle prononça le mot sœur, sa voix n'était plus qu'un chuchotement.
Elle reprit :
- Je vais y aller, vous direz à Ceraëth que je vous ferai visiter, je suis la seule sans tâche pour au moins deux semaines -elle grommela un court instant- il devrait revenir d’ici une petite heure.
Et elle s’en alla. Mithgil brisa le silence qui venait de s’installer une minute durant.
- On peut dire qu’on a bien étés accueillis. Dit-il d’un ton satisfait.
- C’est sûr. Il n’empêche que… tout cela me rend plutôt nerveux.
- Tout ça quoi ?
- Réfléchis un peu, tu veux ?
Moment de réflexion.
- Ah oui, tu donnais l’air d’être subjugué tout à l’heure !
- Hein ?
- Quand cette fille s’est tournée vers toi.
- Mais je ne parle pas de ça !
- Du pays rasé ?
- Evidemment…
- Il n’empêche que tu la regardais bizarrement…
- C'est ça… Fis-je frustré de ne pas comprendre ce qui m’arrivait.
J’observais alors la pièce, je n’avais pas pris le temps de la regarder en détail jusqu’à maintenant.
Il n’y avait pas grand-chose de notable, mis à part une étagère remplie d’ingrédients tous plus irréels les uns que les autres, une étiquette indiquait "Bile de Salamandre tricéphale" ou encore "Flamme de vide", une troisième disait "Cendre de pierre". Dans un coin de la pièce, près d’une fenêtre, un alambic gisait, très usagé. Le plafond était en bois, un bois plutôt foncé et quelque peu abîmé, il n’avait dû être verni depuis quelques années. Mon regard passa sur une fenêtre, le soleil éclairait par ses ultimes rayons les montagnes au nord d’Asfol. Moment de mélancolie. Toute ma famille… Abîmée et perdue.
La porte s’ouvrit lentement. Ceraëth était revenu, il était accompagné d’un homme, jeune, sans doute pas plus vieux que moi. Les deux venaient sans doute de discuter d’un sujet grave, ils étaient perdus dans leurs pensées. Nous voyant, Ceraëth sembla reprendre conscience et revînt rapidement s’asseoir derrière son bureau. L’autre homme nous gratifia d’un « Bonjour, au revoir » dénué de toute intonation. Puis s’en alla.
- Reprenons, où en étions-nous ?
- A nos raisons d’être venus jusqu’ici.
- Merci Mithgil.
- Je suis Keiner.
- Oui, désolé, l'arrivée de cette nouvelle m'a quelque peu secoué.
- Comme nous avions commencé à vous le dire, nous sommes plus ou moins des réfugiés, même si je ne supporte pas ce mot. Or nous n’avions plus nulle part où aller.
- Je vous l’avais dit, nous servons plus d’auberge qu’autre chose, vous avez étés bien inspirés de venir ici, et bien robustes d’être arrivés en bon état. Etant donné tout ce qui vient de se passer, je ne suis pas d’humeur à la conversation. Nous allons rapidement voir si vous avez un don magique ou non.
Il sortit une plume d’un tiroir de son bureau et la contempla deux ou trois secondes. Je regardais la plume dubitativement. Voyant mon regard, l’archimage comprit mon questionnement.
- Ca, ce n’est qu’une plume, elle n’a rien de particulier.
Il s’en servit pour écrire trois mots sur un papier qu'il rangea dans une des poches de sa tunique. Il rangea la plume, se leva, puis alla prendre sur l’étagère qui contenait toutes sortes d’ingrédients, un bocal vide. Il revînt s’asseoir à son bureau, nous demanda de nous approcher et parla :
- Il n’y a rien n’est ce pas ?
- Non, le flacon est vide. Je ne sais pas pourquoi, il me met mal à l’aise. Dit Mithgil.
Je réfutais l’affirmation de Mithgil :
- Je ne crois pas qu’il soit complètement vide, mais je ne suis pas sûr.
Je voyais deux choses presque invisibles, une flamme tentant de prendre le dessus sur quelques gouttes d’eau, mais ce n’était pas une flamme normale, elle semblait violette, et l’eau était rougeâtre.
- Ce bocal contient les ambitions injustes du plus grand démon des seize, Aëthleb, la flamme, les idées inexpugnables de Lurion, le troisième Aster, sont le liquide rouge.
Au nom Lurion, je me redressais subitement.
- Qu’y a-t-il ? Demanda Ceraëth.
- J’ai déjà entendu ce nom quelque part !
- Lurion ?
- Oui, Lurion.
- Ca ne me dit rien. Dit Mithgil, qui était resté passif jusque là.
- Je crois avoir rêvé à ce sujet. Fis-je, prudent.
- Tu confirmes mes suppositions, tu as réellement un don. En vérité tout le monde en a un, mais rares sont les personnes qui savent qu’elles l’ont, car il ne se manifeste que rarement et est souvent très faible. Ce qui fait que tu as vu cette flamme et cette eau, c’est la confirmation que tu as les capacités nécessaires à l’utilisation de ton don. De plus, tu dis avoir fait un rêve autour de Lurion, je ne remets pas cela en cause, car c’est une autre preuve que tu as des capacités.
- Ceux qui ont un don ont des visions ?
- Ce n'est pas ça. Cela n’arrive pas à tout le monde, une vieille légende veut que ceux qui ont des visions ont un destin tragique je n’y crois pas et rien ne prouve que ton rêve soit une vision, tu as deviné un nom, rien de plus. Ceci dit… Dans ce rêve, à quoi ressemblait Lurion, enfin, si tu l’as vu.
- C’était un grand oiseau de flammes oranges, il devait être aussi gros que cette académie, au vu de la lumière qu’il produisait.
- Je vois. Maintenant, dit moi, qu'est ce que ces éléments ont de particulier ?
- Ils tentent de prendre l'ascendant l'un sur l'autre ?
- C'est ça. Bien. Je vais vous trouver une chambre pour la nuit, demain matin, à neuf heures -dit-il en regardant ma montre- vous irez dans la cour, autour de la fontaine centrale, Yyiinjiin qui s'est portée volontaire vous y rejoindra et vous fera visiter, d'ici là je compte sur vous pour bien vous reposer, je vous ferai aussi apporter de quoi manger un peu.
Il nous conduisit alors dans un grand dortoir, la porte dudit dortoir était surmontée d'un écriteau barré en cuivre "Chambre de Negel". La pièce faisait cinq ou six mètres de longueur et de largeur, était haute de trois mètres cinquante, au coin droit en entrant, une grande cheminée était allumée et du bois brûlait tranquillement, en face de l'entrée, une petite porte donnait sur une autre pièce, au milieu de la première pièce, une grande table en chêne était occupée par un grand saladier vide autour duquel deux drôles de bêtes d'une douzaine de centimètres de long -des salamandres- se promenaient lentement, pour finir, une inquiétante odeur de brulé flottait dans l’air. Une fille d'une douzaine d'années regardait les flammes attentivement, assise dans un grand fauteuil, il fallut que l'archimage l'interpelle pour qu'elle sache que nous étions entrés.
- Caladria, nous avons deux nouveaux arrivants ce soir, fais leur un peu de place -il jugea la salle en désordre comme si ce n'était pas la première fois- et n'effraie pas nos invités avec ton feu -dit-il tandis qu'une petite flammèche verte disparaissait de la paume de la main droite de la fillette.
Ceraëth nous laissa donc là, avec une fille dont les yeux semblaient animés par un grand brasier.
- Et si vous entriez au lieu de rester plantés là ? Vous ne faites pas très futés comme ça. Mithgil ne se fit pas prier et s'assit avec nonchalance sur un grand fauteuil.
Cette fille avait de très longs cheveux, qui lui descendaient jusqu'au fesses, ses cheveux étaient rouges, un peu roux, mais surtout rouges, son oeil gauche était bleu et son oeil droit vert, ça ne choquait pas plus que ça, c'était principalement sa chevelure qui retenait l'attention. Elle était haute d'un bon mètre soixante, elle portait de beaux habits en soies, brûlés en quelques points, sans que cela ne donne l'impression de la gêner d'aucune façon.
- Comment vous appelez vous ? Dit-elle de sa voix aigue.
- Keiner.
- Mithgil.
- Keiner hein ? Je connaissais quelqu'un avec ce nom, il n'est plus là aujourd'hui... -Elle laissa sa phrase en suspens avant de reprendre d'un ton plus enjoué qui passa rapidement à l'avertissement- Caladria, et je vous interdis de toucher à mes salamandres ! Elle avisa les deux lézards à six pattes qui tournaient autour du saladier, laissant une inquiétante odeur de brûlé derrière eux.
- Evitez de leur faire approcher du papier ou du tissu ; non, ne leur faites rien, ce sera mieux pour vous comme pour eux. Son ton était mi inquiet mi menaçant, comme si elle avait vécu un incident avec ses étranges animaux de compagnie.
Nous nous installâmes donc, la cheminée réchauffait agréablement la pièce et les fauteuils étaient très confortables, vers vingt-trois heures, alors que nous finissions de manger un plat amené par Yyiinjiin, qui était repartie prestement -sûrement cette histoire de pays mis en pièce qui m'inquiétait de plus en plus-, Caladria alla dormir :
- Là bas -elle montra la porte en face de celle par laquelle nous étions entrés-, c'est les lits, évitez de prendre celui voisin au mien, j'ai mes salamandres qui aiment y dormir assez souvent"
- Qu'a t-elle avec toutes ces salamandres ? Me questionna Mithgil après qu'elle fut partie.
- Si je le savais...
- Je crois que je vais dormir ici, moi, ce fauteuil est trop agréable pour que je me lève.
- Tu ne crois pas que si les fauteuils sont confortables à ce point, les lits sont encore meilleurs ? Il prit un air dubitatif tandis que j'avisais un gros livre au dessus de la cheminée.
- Histoire des bêtes méconnues, ouvrage dix-sept, les salamandres -lis-je à voix haute-, Mithgil se retourna rapidement vers moi et avisa à son tour le gros volume. Je lisais alors le titre du livre voisin :
- Décret sur les salamandres. Le troisième livre a un titre un peu atypique : Les trois têtes de Salamandra.
- Cette fille a une vraie passion pour ces bestioles ! -Mithgil fit rapidement le tour de la pièce de son regard-, tout parle de salamandre ici, même les tableaux !
- Je plussoie –dis-je en baillant-... Je vais aller dormir dans un lit de mon côté, à demain, si tu décides de rester ici.
- Bonne nuit compagnon d'aventure !
J'allais donc dans la pièce où Caladria s'était retirée, j'avisais une grande bibliothèque sur le mur gauche de la pièce, elle craquait presque sous le poids des livres qui étaient là, certains étaient même posés sur d'autres livres tant la place manquait, dans l'obscurité je pus lire quelques titres et voir quelques couvertures, tous ces livres parlaient de salamandre, et occasionnellement de feu, cette fille était folle de ces animaux, d'ailleurs, elle me regardait avec des yeux qui semblaient presque émettre de la lumière.
- Tu auras du mal à trouver un livre qui traite d'autre chose que de feu ici, à moins d'être persistant, et encore, j'en doute. -Elle me montra un lit non loin de la bibliothèque- tu dormiras là, et ton ami dans le lit d'à côté, le troisième est conquis par mes salamandres et j'occupe le quatrième.
- D'accord. Fis-je d'un ton respectueusement fatigué face à cette fillette qui me donnait des ordres, j'étais trop fatigué pour riposter de toute façon.
Je m'endormais donc, pensant avec inquiétude à cette histoire de pays réduit en cendres ; ainsi, d'autres avaient vécu le même sort que moi. Retournant toutes ces pensées encore et encore, je mis presque une heure à m'endormir.
La nuit fut reposante, longue, mais reposante, je n'ai fait que peu de rêves cette nuit là, ils étaient aussi normaux qu'un livre dans une bibliothèque, Mithgil, fidèle à sa parole, passa la nuit dans son fauteuil. Vers huit heures trente, lorsque que Caladria dormait encore, nous allâmes au point de rendez-vous, dans la cour, face à la fontaine que nous avions vue la veille en entrant dans ce qu’il allait devenir notre chez soi.
Autre prologue (Pour une autre histoire tout de même en lien avec la première).
Elle se tenait là. Elle faisait face à la ville de totale lumière devant et dessous elle. Elle allait souvent sur ce balcon. Après une de ses victoires généralement. Mais pas cette fois. Cette fois, elle était venue pour autre chose. Comme quelquefois, elle se perdit dans ses pensées, catalysées par les lumières au bas et en face de l'immeuble de trois cent étages. L'EtheCorla Tower. Elle avait enfin compris. Enfin elle comprenait qui elle était. Enfin, elle sut pourquoi ce nom lui déplaisait tant. Enfin, elle sut pourquoi ce qu'elle refusait de voir dans un miroir lui déplaisait tant. Enfin, elle avait une solution à portée de main. Elle avait longuement et souvent songé au suicide.
Elle avait souvent parlé de son problème à sa soeur. Et pourtant, ni l'une ni l'autre n'avaient compris. Mais ce soir là, elle avait compris. Elle avait su. Elle avait vu. Elle avait vu le passé d'une des idoles. Et elle avait compris qu'elle lui était semblable. Et maintenant, elle connaissait la solution. Mais elle savait aussi que ce ne serait pas facile. Dans son monde, tout tournait autour du jeu. Elle ne participait pas au jeu. Mais sa soeur oui. Elle espérait que cela suffirait. Elle l'espérait plus que tout. Si seulement l'institut Goto lui répondait.
Oh, mais il lui avait répondu. Par trois fois, elle avait presque supplié, mais la carrière de sa soeur dans le jeu ne suffisait pas à les convaincre. Mais elle savait que l'institut avait gardé les machines. Mais il disait qu'il ne les avait pas. Qu'elles avaient été détruites. Elle n'en croyait pas un mot. Mais le verdict était tombé : elle devait se faire sa place dans le jeu. Pourtant, elle était bien jeune pour commencer. A peine quatorze ans, et elle ne pratiquait pas les activités qui feraient d'elle une recrue de choix pour le jeu. Tout ce qu'elle avait, c'était son obstination. Tout ce qu'elle avait, c'était la pensée et la vérité, que jamais... jamais, elle n'abandonnerai. Jamais, elle ne plierait, jamais elle ne s'avouerait vaincue, jamais quiconque l'empêcherai d'atteindre l'objectif vieux d'un soir. Tandis qu'elle songeait à tout cela, une larme coula sur sa joue droite, puis tomba de trois cent étages droit vers le sol. Et elle ne partit qu'au moment exact ou la larme tomba au sol.
Elle avait souvent parlé de son problème à sa soeur. Et pourtant, ni l'une ni l'autre n'avaient compris. Mais ce soir là, elle avait compris. Elle avait su. Elle avait vu. Elle avait vu le passé d'une des idoles. Et elle avait compris qu'elle lui était semblable. Et maintenant, elle connaissait la solution. Mais elle savait aussi que ce ne serait pas facile. Dans son monde, tout tournait autour du jeu. Elle ne participait pas au jeu. Mais sa soeur oui. Elle espérait que cela suffirait. Elle l'espérait plus que tout. Si seulement l'institut Goto lui répondait.
Oh, mais il lui avait répondu. Par trois fois, elle avait presque supplié, mais la carrière de sa soeur dans le jeu ne suffisait pas à les convaincre. Mais elle savait que l'institut avait gardé les machines. Mais il disait qu'il ne les avait pas. Qu'elles avaient été détruites. Elle n'en croyait pas un mot. Mais le verdict était tombé : elle devait se faire sa place dans le jeu. Pourtant, elle était bien jeune pour commencer. A peine quatorze ans, et elle ne pratiquait pas les activités qui feraient d'elle une recrue de choix pour le jeu. Tout ce qu'elle avait, c'était son obstination. Tout ce qu'elle avait, c'était la pensée et la vérité, que jamais... jamais, elle n'abandonnerai. Jamais, elle ne plierait, jamais elle ne s'avouerait vaincue, jamais quiconque l'empêcherai d'atteindre l'objectif vieux d'un soir. Tandis qu'elle songeait à tout cela, une larme coula sur sa joue droite, puis tomba de trois cent étages droit vers le sol. Et elle ne partit qu'au moment exact ou la larme tomba au sol.
L'homme.
Dans l'étroite crypte, depuis deux heures déjà
L'homme consumé par la vengeance progressait
Partout autour de lui, mille et uns vains pièges
Qui sans peine esquivés restaient silencieux
Enfin... Après deux décennies abîmées
Et fatidiquement, le visage balafré
Il sourirait face au cadavre pourrissant
Face à la main qui, bien plus tôt, l'avait meurtri
D'antédiluviens sarcophages entrouverts
N'étaient que sa seule et chagrinée compagnie
Aussi muet qu'une ombre, déjà il savourait
Ce qui au sortit du boyau serait sa drogue
Sans qu'il sache que repentie, la meurtrière
Déjà priait pour ceux qu'elle avait du prendre
Ces âmes gravissant le mont du Purgatoire...
L'homme consumé par la vengeance progressait
Partout autour de lui, mille et uns vains pièges
Qui sans peine esquivés restaient silencieux
Enfin... Après deux décennies abîmées
Et fatidiquement, le visage balafré
Il sourirait face au cadavre pourrissant
Face à la main qui, bien plus tôt, l'avait meurtri
D'antédiluviens sarcophages entrouverts
N'étaient que sa seule et chagrinée compagnie
Aussi muet qu'une ombre, déjà il savourait
Ce qui au sortit du boyau serait sa drogue
Sans qu'il sache que repentie, la meurtrière
Déjà priait pour ceux qu'elle avait du prendre
Ces âmes gravissant le mont du Purgatoire...