Les étoiles brillaient fixement dans le ciel de l'autre monde. Le grondement lointain du dragon brisa encore une fois le calme apparent de l'espace. Fluttershy tressaillit. L'écho menaçant s'éloigna pourtant, peu à peu, jusqu'à s'éteindre. Enfin, l'atmosphère sembla apaisée, et la petite pégase jaune soupira de soulagement. Pour la première fois dans ce monde étrange, elle se sentait à peu près en sécurité. Quelque chose semblait envelopper le ciel, quelque chose de familier et de rassurant. Fluttershy faisait face au lapin blanc qui était resté près d'elle, inquiet. Ses petits yeux noirs brillaient d'une affection presque imperceptible, étouffée d'inquiétude. Il la regardait sans ciller, dans l'attente de quelque chose, ne clignant presque pas des yeux. La petite pégase au crin rose, enfin calme, quelque peu reposée, prit le temps de contempler la voûte céleste, de se demander où elle était. Alentour, le sol semblait être une douce brume bleue. La lueur verte continuait de palpiter au-dessus d'elle. Il n'y avait pas de lune visible dans le ciel, pas de vent. Cet espace donnait le sentiment d'être à peine né, à peine décoré des merveilles de la vie, comme un premier battement de coeur qui aurait envahi l'atmosphère de sa belle fragilité. Une fraîcheur apaisante enveloppait son corps. Fluttershy avait l'impression d'être un peu plus réelle, un peu plus éveillée. Une douce chaleur rayonnait dans les tréfonds de sa poitrine, sans qu'elle sache pourquoi. Elle pouvait enfin reprendre ses esprits. Et dans celui-ci elle ne trouvait que des questions. Timidement, elle osa s'adresser au lapin blanc.
« Qui... Qui es-tu ? Où sommes-nous ? »
Celui-ci émit claquements de dents et soufflements, que Fluttershy entendit ainsi :
« C'est moi, Angel, voyons. »
La petite pégase ouvrit des yeux étonnés. Elle approcha son visage près du lapin, à gauche, à droite de lui, le détaillant d'une façon qui sembla gêner le rongeur. De ses petites pattes il repoussa prestement le visage curieux de l'adolescente, et tapa du pied de mécontentement.
« Angel ! Le petit lapin blanc ! » s'exclama-t-il, et il pointa de son petit doigt blanc son museau : « Nez rose » Il pointa sa petite queue ronde et duveteuse : « Petit pompon blanc » Fluttershy le regardait, ébahie, ne comprenant rien.
« Mais... » dit-elle « Mais Angel, c'est le nom de mon lapin en peluche... C'est bizarre... Et que... »
Le rongeur l'interrompit en essayant de la secouer, saisissant fermement la peau de sa poitrine de ses deux petites pattes : « Justement, c'est moi Angel ! C'est moi ! Ton meilleur ami ! »
Fluttershy se releva soudainement, surprise.
« Mais c'est impossible voyons ! Mon... Mon pauvre petit Angel... Il était dans la forêt avec moi... Avant que... Et... » Son regard se perdit dans ses pensées alors qu'elle revoyait la scène dans la sombre forêt, la présence, le ruisseau, la porte... « Il doit être... Oh... Il doit être seul, par terre... » La tristesse de savoir sa petite peluche abandonnée au milieu de la forêt, peut-être à tout jamais perdue, lui saisit le coeur un instant. C'était tout un pan de sa vie qui disparaissait, avec le reste de ses affaires brisées, derniers souvenirs envolés de sa mère... Peut-être avait-elle eût tort de poursuivre au-delà de tout bon sens, son rêve de vivre comme un poney terrestre. Elle était maintenant dans une dimension inconnue, sans plus de repères, ayant laissé derrière elle sa maison, son père, sa vie... Une dimension ? L'explication était facile, dans un monde de magie, plus vaste qu'elle n'osait l'imaginer. Mais l'idée, peut-être plus probable, certainement plus terrible, que son esprit tourmenté avait fini par se briser littéralement et la plonger dans une inconsciente folie, la saisissait. « Suis-je devenue... folle ? » pensa-t-elle, effrayée.
Le petit lapin grognon bondit et bondit encore pour se faire voir d'elle.
« Fluttershy ! Fluttershy, je suis là ! Je suis Angel ! »
Il était là, s'agitant devant ses yeux, plus vivace que jamais. Et la petite pégase avait le sentiment que cet espace sans queue ni tête dans lequel elle évoluait, avait quelque chose de bien réel malgré son évanescence et son apparence changeante. Mais si ce n'était de la folie, alors quel sens donner à tout ceci ? Ce lapin irascible était peut-être un indice. L'adolescente se mit à battre des ailes, relevant son corps afin de pouvoir utiliser ses pattes librement, et elle saisit délicatement entre ses sabots le petit rongeur énervé. Elle plongea son regard innocent dans le sien, semblant chercher une clef, une étincelle. La fourrure duveteuse était belle, douce. Livré au grand regard bleu qui détaillait son visage, ovales brillants soulignés de cils sombres et délicats, le petit lapin sourit timidement, un peu agacé d'être ainsi détaillé.
« C'est peut-être vrai, que tu ressembles à mon Angel... » dit la pouliche.
Après un instant où la profondeur de son regard avait parcouru le lapin avec intérêt, elle le reposa doucement sur le sol brumeux et invisible de cette nuit étoilée. « Tu sais, je veux bien croire que tu t'appelles Angel aussi, mais... » Sa petite voix douce et légère énonça avec lucidité : « Celui que je connais est une peluche, une merveilleuse, petite peluche. » Elle étira un sourire doux. « Aussi triste que cela puisse paraître, je sais bien que ce meilleur ami que je serre contre mon coeur n'est qu'un bout de tissu... C'est vrai, jusqu'ici le seul ami que j'ai jamais eu c'était lui, mon petit lapin de tissu... » Le regard de Fluttershy devint rêveur en regardant le rongeur aux longues oreilles qui l'écoutait avec attention. Si son ami en peluche avait été réel, il ressemblerait à ce lapin blanc qui la dévisageait, sans aucun doute. Ses yeux s'embuèrent de souvenirs. Elle perdit son regard dans l'atmosphère bleutée du soir.
En esprit, Fluttershy voyait un petit lapin courir sur les nuages avec elle. Sa petite voix harmonieuse résonna finalement : « J'ai tant rêvé quand j'étais petite, que mon ami de tissu prenne vie. Je l'imaginais courageux, farouche, ne se laissant jamais faire. Il aurait été tout ce que moi je n'étais pas. Il m'aurait protégé. Et rien que cette idée me permettait presque de le voir, comme dans un rêve éveillé... Bien sûr, dans la réalité, aucun lapin n'aurait pu vivre dans le ciel, mais... ça n'avait pas d'importance. » Elle sourit. « Durant des années, il était là pour moi. Il était réel. Je le serrais fort contre ma joue et je pouvais retrouver la paix, peu importe à quel point la journée avait été difficile. C'était mon meilleur ami. » Elle plongea son regard ému dans celui du véritable lapin, sans aucune pudeur, emplie d'une gentillesse désarmante. Les petits yeux noirs de celui-ci s'étaient mis à briller, humides. Ses oreilles s'étaient pliées en arrière, son visage était tendu vers celui de la pégase. Il essuya d'un revers de sa petite patte, la larme qu'il avait à l'oeil. Le lapin avait perdu peu à peu son air dur en entendant le récit de l'adolescente. Il affichait un sourire doux et nostalgique. Fluttershy eût la gorge un peu serrée à cette vision, sentant certaines émotions lointaines lui revenir dans cet atmosphère privilégiée d'intimité qu'elle avait avec lui, si attentif et ému à ses mots. Lui parler de tout ceci semblait si naturel... Le lapin obstiné, qui depuis le début apparaissait à chaque fois si subitement, l'effrayant presque, se tenait maintenant devant elle avec ce regard compréhensif, ce mince sourire affectueux. Elle parvenait à se sentir proche de lui, d'une certaine façon, sans trop savoir d'où ce sentiment venait. Une pensée l'envahit : « Peut-être est-ce là l'ombre de ma folie, qui me fait voir ce que j'ai toujours rêvé de voir... Un vrai petit lapin... Un petit lapin qui serait plus fort que moi, prouvant au monde que la plus petite et la plus douce des créatures peut-être brave... Un ange gardien, comme disait ma mère... Il me montrerait la voie de l'audace et du courage... Toutes ces qualités que je n'ai pas, qui me manquent... qui... qui font que je déçois tout le monde... » Des larmes douces-amères montèrent aux yeux de Fluttershy, dans un instant magique où, sous l'étrange lueur verte qui palpitait, tous deux perdus dans cet espace céleste inconnu, le lapin et la pégase se regardaient avec intensité. C'était comme si le rongeur comprenait ce qu'elle n'osait même pas dire, comme s'il entendait ses pensées. Derrière ses yeux noirs qui la fixaient avec émotion, elle avait le sentiment de voir son esprit se refléter, comme si tous deux étaient reliés par quelque chose d'invisible, un lien presque familial. Dans un sourire de joie, les larmes glissant avec chaleur sur ses joues, Fluttershy commença à tendre son sabot vers le petit lapin blanc, énonçant à haute voix l'évidence qui montait peu à peu dans son coeur, dans sa gorge, c'était lui, c'était son ami, ça ne pouvait être que ça : « Angel... C'est vraiment toi... Je suis peut-être folle, mais c'est bien toi... Hein que c'est toi ?! » Le lapin opina vivement de la tête, affichant dans un sourire ses grandes dents blanches. Il avait des larmes de joie au coin des yeux. Fluttershy avait un grand regard brillant, et elle s'apprêta à prendre son ami dans ses bras. « Tu existes ! Tu parles ! Je suis si... »
La pégase n'eût pas le temps de terminer sa phrase, ni d'embrasser son ami, car une forme bleue et multicolore lui fonça dessus, la plaquant subitement sur le sol brumeux. Étourdie, la pouliche balbutia : « Heu.. je... qui... quoi ?? » Un corps un peu plus petit que le sien au beau pelage bleu la serrait dans ses pattes avec force. Une voix légèrement éraillée et enfantine s'écria : « Fluttershy ! Fluttershy c'est bien toi ! J'ai cru que je ne te reverrais jamais ! J'ai réussi à te retrouver, c'est incroyable ! » Une joie incomparable était audible dans les mots de Rainbow Dash. Le petit lapin blanc, surpris par la rupture de l'instant qu'il partageait avec Fluttershy, se jeta avec colère sur la pégase bleue pour la tirer en arrière, l'éloigner de son amie ailée. La frêle pégase jaune était encore étonnée de cette étreinte soudaine, mais, voyant les grands yeux roses de son amie d'école qui la fixaient avec allégresse, elle réalisa.« R... Rainbow Dash ? » Celle-ci opina du chef avec un grand sourire, puis se retourna vers le rongeur qui lui tirait les ailes avec énervement. La voltigeuse s'exclama : « Hé, mais c'est qui celui-là ?! Pourquoi il me tire comme ça ? Ça fait mal ! » Elle poussa fermement Angel de ses deux sabots, relâchant Fluttershy. « J'ai les ailes encore douloureuses d'avoir fait un Sonic Rainboom » dit-elle, massant les muscles endoloris sous son plumage « Je ne t'ai rien fait le lapin, alors lâche-moi tu veux ! Qu'est-ce qu'il fait avec toi Fluttershy ? » Celle-ci, encore étourdie, s'étonna : « Tu.. Tu as encore fait une de ces explosions incroyables ? Je suis impressionnée, tu es vraiment... Heu... » Elle secoua la tête et reprit ses esprits. « Mais attends... Qu'est ce que je dis... Ce n'est pas ça le plus important... » La pouliche se releva pour faire face à sa camarade d'école. « Comment tu peux être ici ? Je ne suis pas folle ? Tu es... réelle ? » La frêle adolescente tapota du sabot avec curiosité la joue de Rainbow Dash. Celle-ci repoussa la patte de son amie. « Pas besoin de me mettre un sabot dans l'oeil, tu vois bien que c'est moi, en chair et en os ! » La pégase jaune avait le cerveau sans dessus-dessous. Elle saisit sa tête de ses deux sabots : « Je n'y comprends rien ! Comment es-tu arrivée ici ? Pourquoi es-tu là ? Et.. Sais-tu où nous sommes ?! » Rainbow Dash prit une grande inspiration, s'apprêtant à raconter son héroïque parcours à travers le portail illuminé de rouge, le ciel tempétueux et enfin l'espace étoilé où était apparu sa marque de beauté, mais elle fût coupée net avant d'avoir prononcé le moindre mot.
La lueur verte qui avait guidé l'adolescente au crin ébouriffé jusqu'ici, balise lumineuse au-dessus de l'enfant inconsciente, avait soudain bougé à la vitesse de l'éclair, plongeant dans le flanc de Fluttershy et faisant s'illuminer sa marque de beauté. La soudaineté du phénomène fût suffisante pour que Rainbow Dash reste bouche bée tandis que sa camarade poussait un petit cri d'effroi et de surprise. La pégase au crin rose avait ressenti une subite et piquante décharge électrique qui avait fait se dresser tous les poils de son corps. Elle regardait les yeux écarquillés, son flanc émettre des palpitations verdâtres. L'atmosphère ambiante devint brusquement plus sombre, les superbes étoiles qui avaient émerveillé Rainbow Dash s'effacèrent. La pégase bleue pointa du sabot le flanc de son amie en s'écriant : « Fluttershy... Pou... Pourquoi ta marque de beauté brille ?!! » L'autre flanc de l'adolescente au crin rose, arborant lui aussi sa marque de beauté, se mit à scintiller de la même couleur hypnotisante. Paniquée, la frêle pouliche bégaya des sons aigus et étouffés, tout en tournant sa tête de tous les côtés avec de grands yeux effarés. Le lapin blanc qui était posté près d'elle regardait le phénomène lumineux avec une tranquillité étonnante. Soudain Fluttershy poussa un cri étranglé alors qu'elle se tournait vers sa camarade d'école, et pointa du sabot le flanc de Rainbow Dash d'une patte insistante et tremblante.
« Quoi ? Qu'est ce qu'il y a ? » demanda la petite pégase bleue, inquiète.
Fluttershy se rongeait le bout des sabots, incapable de parler et pointa encore le flanc de son amie. Celle-ci regarda enfin le haut de sa cuisse : sa marque de beauté s'illuminait d'une lueur rouge vivace. Rainbow Dash essaya de frotter la marque enflammée de rouge, comme pour effacer la lumière qui sortait du dessin.
« Oh non ! » s'écria-t-elle, « Moi aussi !! Mais c'est quoi ce truc ?!! »
Son autre flanc se mit à briller lui aussi de rayons rouges, qui semblaient transpercer le dessin coloré de sa marque. Rainbow Dash regarda Fluttershy dans les yeux, et toutes deux purent lire dans l'esprit l'une dans l'autre l'effroi et l'incompréhension. La frêle pégase au crin rose bégaya :
« On.. on va... on va peut-être... exploser. »
Ses grands yeux bleus bordés de larmes, emmêlées dans ses longs cils, fixaient son amie, cherchant l'appui de son courage habituel. Mais la petite pégase bleue était désemparée. L'hypothèse formulée par son amie l'inquiétait, car elle paraissait presque probable.
« Tu... tu crois ? » dit-elle. Son visage n'affichait plus cette habituelle confiance en elle, ou cet air de défi qui la caractérisait tant. « On va... être explosées en mille morceaux ? Tu crois que c'est comme ça que la lumière va finir par sortir ? » Elle avala sa salive. « J'ai peut-être... j'ai peut-être fait trop de Sonic Rainboom. » déclara-t-elle. La future capitaine des Wonderbolts avait le regard ouvert et brillant d'une enfant apeurée. L'héroïne qui était en elle se trouvait bien impuissante face aux inexplicables lumières qui avaient parsemé leur aventure, et finissaient maintenant par jaillir de leurs propres corps. Fluttershy essaya d'être optimiste, mais sa voix était tremblante : « On... on va peut-être se... se transformer en lucioles... c'est... c'est joli... les lucioles... ». Rainbow Dash se mordit la lèvre.
Les rayons verts et les rayons rouges s'intensifièrent soudain, et nos deux amies se jetèrent dans les bras l'une de l'autre sous le coup de la peur qui montaient dans leurs ventres. Elles se serrèrent mutuellement de toutes leurs forces, fermèrent les yeux. Fluttershy pleurnicha : « Je ne veux pas qu'on meure ! » Rainbow Dash renchérit de sa petite voix : « Moi non plus ! » Elles pouvaient sentir la chaleur et l'intensité électrique des lumières qui jaillissaient de leur corps, comme si quelque chose à l'intérieur de ceux-ci pouvait émettre une magie spectaculaire. Mais toutes deux savaient qu'aucune magie connue ne pouvait faire une telle chose. Leurs corps fins, à peine sortis de l'enfance, s'accrochaient l'un à l'autre, tendus et tremblants. Une fois de plus, ce monde inconnu qui leur avait ouvert la porte pour les entraîner dans une aventure qui n'avait aucun sens, mettait leur vie en péril. Fluttershy avait traversé d'horribles cauchemars, s'était retrouvé à la merci d'un cruel dragon; Rainbow Dash avait bravé une mortelle tempête, manquant mourir foudroyée; qu'allait-il arriver d'horrible maintenant ? Elles crurent que leur coeur allait s'arrêter quand la lumière devint tellement intense qu'elle les éblouit même à travers leurs paupières closes, envahissant tout l'espace. S'il devait se produire une explosion c'était maintenant.
Un bruit de sabot résonna dans l'espace. La lumière avait disparu. Mais autre chose brillait, d'une lueur plus douce. Nos deux amies osèrent ouvrirent les yeux. Angel regardait quelque chose avec un sourire. C'était la lueur qui émanait d'un être merveilleux. Marchant d'un pas tranquille à leur rencontre, une créature majestueuse s'avançait avec grâce. Sa crinière était longue, verte comme la pomme, et embellie de nombreuses tresses. Des fleurs et des feuilles s'étaient mystérieusement emmêlées dans son crin, ou bien avait poussé dans celui-ci, il était impossible de le dire. Elle avait le corps plus élancé que celui des poneys, était plus grande, mais son physique était semblable. Sur son dos deux ailes délicates et transparentes brillaient comme celles d'un insecte. Leur forme étaient celle des papillons, mais leur apparence était cristalline et scintillante. Le corps gracieux de la créature était lui aussi d'un vert frais, mais d'une couleur plus claire, comme celle de l'herbe un peu sèche en plein été. Les deux jeunes pégases restaient bouche-bée, contemplant sa marche silencieuse. Une lumière de printemps paraissait émaner naturellement de la créature, éclairant le noir épais de l'espace. Angel vint sautiller à ses côtés, reniflant les plantes de sa crinière. S'arrêtant devant Fluttershy et Rainbow Dash, elle parla. Sa voix était douce, féminine, mais derrière l'apparente jeunesse de celle-ci, un poids antique, une sagesse sans âge se faisaient entendre :
« Mes chères enfants, pardonnez-moi de n'avoir pu plus tôt venir à votre rencontre. »
Fluttershy était captivée par la beauté qui se dégageait de l'apparition. Elle avait les yeux bleus comme l'eau claire qui arrose les plages tropicales, un regard qui aurait apaisé n'importe quel coeur, et chaque souffle de cet être semblait la brise douce de la nature même. Après avoir adressé un tendre sourire au petit lapin blanc, qui repartit se poster auprès de son amie, les yeux sages et doux de la créature, se posèrent sur celle-ci, qui la dévisageait avec stupeur et curiosité. Elle approcha son visage de celui de la petite pégase.
« Fluttershy, tu es si jeune. J'aurais tant aimé ne pas avoir à t'imposer une telle épreuve, mais le destin ne m'a pas donné ce choix. J'espère que tu pourras me pardonner... » Elle était si majestueuse, hors du temps, et pourtant la petite pégase pouvait lire dans son regard que la créature cherchait sincèrement son pardon, courbant sa tête digne avec humilité devant la frêle enfant.
Rainbow Dash qui jusqu'ici était restée immobile et sans voix, osa finalement exprimer les nombreuses questions qui se bousculaient dans sa tête :
« Comment pouvez-vous savoir qui nous sommes ? Et d'abord c'est quoi cet endroit ? Et vous, qui êtes-vous ? Pourquoi vous brillez ? Pourquoi nous on brillait, il y a cinq minutes ? Et pourquoi ces portes lumineuses sont apparues dans les bois en fait ? » La petite pégase manqua de souffle, et s'arrêta là. C'est une autre voix qui lui répondit, féminine mais plus grave, un peu moins douce :
« Je comprends les questions que tu te poses mon enfant, et nous essaierons d'y répondre. Mais il faut faire vite. Ce monde va s'écrouler si vous ne faites rien. »
Une créature semblable à la première s'avança, semblant sortir de l'épaisseur nocturne comme un fantôme prenant corps. Sa robe était d'une vive couleur abricot, et son crin d'un rouge flamboyant. Sa crinière était d'une apparence fantastique, sorte de nuée rouge d'où sortaient parfois quelques éclairs violets, faisant éclater un tonnerre miniature. Sa queue était semblable, empreinte d'une magie aux apparences de tempête et d'orage. Le plus captivant était encore ses yeux durs et étincelants, couleur d'ambre, fixés sur la jeune pégase bleue. Elle battit de grandes ailes translucides papillon et se posa juste à côté du petit groupe. Celle qui l'avait précédée ne semblait en aucun point surprise de l'apparition de sa semblable. Les deux camarades d'école avait le sentiment de faire face à des déesses inconnues. Elles faisaient timidement face à leurs regards intenses.
Les deux créatures s'assirent, et le décor d'une forêt enchantée, parcourue de plantes phosphorescentes et de cascades merveilleuses, apparut alentour, comme si le voile de l'obscurité avait tout ce temps caché ce qui se trouvait là. Angel, ravit se mit à croquer un peu de l'herbe fraîche qui composait le sol doux. La créature verte parla :
« Mes enfants, ce que je vais vous dire vous l'oublierez, comme vous oublierez tout ce que vous avez vu et fait dans ce monde. Lorsque vous sortirez d'ici, il vous semblera à peine avoir fait un rêve étrange et merveilleux, car c'est l'essence même de cet espace Mais à l'instant où nous nous tenons, vous devez écouter attentivement. »
Une myriade de lueurs colorées, comme les fractions d'un arc en ciel incroyable, sortirent des buissons et des fougères, se mettant à flotter dans les airs autour du petit groupe, comme des milliers de lucioles. La créature au crin de tempête parla à son tour :
« Ce monde est celui qui donna naissance à votre monde, et qui fût également enfanté par lui. Ce lieu est l'esprit de votre monde, le reflet de toutes ses pensées, de tous ses rêves, de tous ses possibles. Ce que vous appelez magie n'est qu'une manifestation de l'esprit qui parvient à traverser le voile qui sépare nos deux univers. Ici il n'y a pas d'imaginaire et il n'y a pas de réalité, tout existe dans la même harmonie. »
L'autre créature acquiesça et reprit le récit :
« Mais même dans le monde de tous les possibles, il existe des règles, des règles supérieures à toute magie. Notre monde manifeste dans le vôtre les forces naturelles de la création et de la destruction inhérentes à l'esprit : sentiments, magie, nature... Nous sommes son guide invisible. Et votre monde manifeste dans le nôtre l'imagination, les émotions, les pensées, et toutes les choses qui échappent aux règles des corps et des particules. Il est notre guide invisible. »
L'élégante créature marqua une pause où son regard s'emplit d'inquiétude et de regret.
« Inséparables, nos deux mondes échangent constamment l'un avec l'autre, et la mince séparation entre ceux-ci s'avère en certains lieux particulièrement fine. Parfois il s'agit d'une grotte oubliée où une étrange magie a cours, mais parfois, c'est tout un portail qui peut s'ouvrir. Ces portails ne peuvent s'ouvrir qu'en des lieux particuliers, des lieux souvent oubliés où alors, il n'y pas de danger pour notre équilibre. Mais un de ces portails a laissé passer un être, un être qui nous mets tous en péril, car il est resté prisonnier de son esprit. Et tant que cet être restera ici, la faille s'agrandira. »
Fluttershy était à la fois émerveillée et inquiète d'apprendre une nouvelle aussi ahurissante. Tout un autre monde, empli de toute la magie possible et imaginable ? Mais qui étaient ces incroyables créatures, et pourquoi leur racontaient-elles tout ceci ? C'était une des histoires les plus fantastiques qu'elle ait jamais entendues.
« Je comprends tes questions Fluttershy » énonça la créature, ce qui fit sursauter la pégase. « Un temps viendra où tu comprendras. »
Rainbow Dash regarda sa camarade d'école, se demandant quel étrange destin avait amené deux pauvres adolescentes comme elles à être témoins d'un tel monde, et de ses prodiges effrayants. La créature au crin d'orage la fixait avec intensité, mettant la petite pégase bleue mal à l'aise. Elle voulait juste que leur récit prenne fin, aussi étonnant puisse-t-il être, et qu'enfin, on leur permette de retourner dans leur monde. Tout rentrerait alors dans l'ordre.
Les lueurs colorées voletaient dans les airs, paisiblement. Le bruit des cascades était apaisant, et de façon générale, le décor enchanteur invitait à s'étendre dans l'herbe grasse, sous l'ombrage des arbres, et à goûter à la contemplation. Le temps semblait n'avoir aucune prise ici, et nos deux adolescentes se sentaient peu à peu envahies d'un sentiment de torpeur agréable.
« Butterfly ! » s'exclama de sa voix grave la créature au crin d'orage, ses yeux d'ambres fixant sa semblable avec une inquiétude pressante non dissimulée.
« Oui, Thunder. » répondit l'autre, calmement, mais non sans sérieux. Elle reprit alors :
« Tout ce que vous devez savoir, c'est que l'harmonie entre nos deux mondes a été brisée, il y a déjà quelques temps, et que cette faille grandit chaque jour. Bientôt, la séparation entre les mondes pourrait disparaître totalement, et ils fusionneront ensemble dans le chaos le plus total. Qui sait ce qui adviendra de tout ce que nous connaissons... Bien qu'un nouveau monde soit créé alors, les deux autres seront sans aucun doute presque entièrement détruits. »
Rainbow Dash s'exclama :
« Mais pourquoi vous n'avez rien fait alors ?! Vous êtes en train de dire que vous, nous, tout le monde pourrait... disparaître ? »
La créature rouge, celle qui était nommée Thunder, s'approcha de Rainbow Dash, et posa avec compassion son sabot sur l'épaule de celle-ci. Les éclairs violets continuaient d'éclater dans sa crinière brumeuse, mais les yeux dorés de celle-ci dégageaient soudainement une certaine vulnérabilité.
« Nous aurions tout fait, crois-le, pour sauver votre monde et le nôtre. Mais ce pouvoir, ce n'est pas nous qui l'avons, je le crains. »
Butterfly se releva également et acquiesça.
« Rien n'est pire que de devoir admettre son impuissance, mais c'est la vérité. » Elle tourna son regard vers la petite pégase jaune.
« La seule à pouvoir réparer la faille qui déchire l'équilibre des mondes est... Fluttershy. »
La pouliche au crin rose fût submergée de terreur lorsqu'elle entendit son nom clore cette fatale phrase. Elle s'écria, paniquée :
« Mais je ne peux pas ! Ce n'est pas possible ! Je ne peux pas ! Je n'ai... Je n'ai aucun pouvoir... ! Enfin... Regardez-moi ! Je ne suis qu'une enfant ! Je n'ai pas de pouvoir... » Des larmes coulèrent de ses yeux, tandis que son coeur était enflammé d'un sentiment d'injustice. « Vous n'avez pas le droit de dire une telle chose... Vous n'avez pas le droit... Ce n'est pas vrai... »